Chez Partoo, on s’est lancé très tôt dans l’intelligence artificielle avec l’ambition de créer un agent autonome permettant aux retailers d’offrir à leurs clients une expérience d’achat inégalée, à la fois fluide, rapide et personnalisée.

Mais l’IA n’est pas uniquement une innovation au service du produit, c’est aussi un enjeu de productivité pour les entreprises et les scale-ups, notamment dans un contexte de recherche de profitabilité et de restriction des financements. 

Dans une étude parue en 2023, le cabinet de conseil en stratégie BCG estime que les gains de productivité varient entre 20 et 40% en fonction des départements, et ce n’est que le début. 

Fort de ce constat, nous nous sommes interrogés avec Rodrigue Buisson (Product Manager en charge des sujets IA chez Partoo) sur ce qui se faisait au sein de l’écosystème scale-ups en France et nous avons donc échangé avec une vingtaine d’entre-elles (Payfit, Alma, Brevo, Mirakl, 360Learning, Pennylane, Welcome to the Jungle, etc.)

Sans grande surprise, +80% scale-ups interrogées s’intéressent au sujet, mais la plupart d’entre elles sont encore au stade de cadrage ou en train de lancer des Proof of Concepts (POC).

L’intelligence artificielle impacte l’ensemble des départements et process d’une entreprise. Favoriser son adoption est donc avant tout un sujet de transformation. 

Nous avons la chance chez Partoo d’évoluer dans une structure agile, avec un nombre encore restreint de collaborateurs (400), et en même temps suffisamment avancée pour pouvoir travailler sur ces sujets, ce qui n’est pas le cas d’une toute jeune startup qui doit déjà lancer un produit, trouver des premiers clients et obtenir des ressources pour survivre. C’est donc un environnement idéal pour mettre en place la révolution IA. 

Malgré cela, les freins sont nombreux : manque de temps, ressources limitées, connaissances insuffisantes, enjeux éthiques, craintes liées à la sécurité des données, etc. Pour que cela fonctionne, il faut donc avoir une approche méthodique que nous allons vous détailler…

L’objectif de cet article est de vous aider à prendre le tournant de l’IA. Nous allons donc détailler les étapes essentielles selon nous pour favoriser l’adoption de l’IA au sein d’une organisation. 

Dans un second article qui sera publié prochainement, nous partagerons les principaux cas d’usage autour de l’IA dans l’écosystème des scale-ups en France et quelques exemples concrets liés à notre expérience chez Partoo. 

 A / Prouver la valeur avec des cas d’usage simples

Comme avec toute innovation de rupture, il y a deux camps :

  • La minorité, représentée par les “Early Adopters”, c’est-à-dire ceux qui se sont mis à ChatGPT en premier alors même que la technologie était imparfaite.
  • La majorité, représentée par les “pragmatiques”, ceux qui attendent que la technologie soit adoptée par un grand nombre de personnes, que son fonctionnement soit stable et sa valeur prouvée.

On retrouve ce schéma à l’identique au sein d’une entreprise. L’enjeu est donc relativement simple : 

  • Identifier ces Early Adopters 
  • Trouver avec eux une problématique métier 
  • Co-créer un ‘Minimum Viable Product – MVP” utilisant l’IA pour résoudre ce problème
  • Encourager les Pragmatiques à adopter cette solution parfaitement adaptée à leurs besoins

Prenons un exemple très concret. Chez Partoo, nous organisons chaque semestre un cycle d’évaluation des collaborateurs : les BYR (Bi-Yearly Review). C’est un moment clé de la vie de l’entreprise qui permet à chacun de s’améliorer en recevant des feedbacks de ses managers mais aussi de ses pairs.

Le problème ? Cela prend un temps considérable et il peut être très compliqué de formuler un feedback objectif et constructif qui aide vraiment la personne à progresser. 

Avec Clément Lemainque, People Experience Manager et Early Adopter, nous avons décidé de créer notre propre agent IA pour aider les collaborateurs à faire leurs feedbacks, directement depuis Slack, en utilisant la méthodologie COIN (context, observation, impact, next steps).

L’assistant détecte les feedbacks qui manquent d’objectivité et pousse le collaborateur à se poser les bonnes questions.

Résultat : plus de 150 collaborateurs ont utilisé l’agent pour améliorer leurs feedbacks. Parmi cette population, on retrouve des personnes qui n’utilisaient pas ChatGPT au départ !

Grâce à notre Early Adopter (Clément), nous avons donc pu créer un MVP (cet assistant) et convaincre ainsi 150 collaborateurs d’utiliser une fonctionnalité d’intelligence artificielle. Bien sûr, cela n’est pas forcément suffisant pour en faire des users réguliers mais c’est une première étape non négligeable.

B / L’approche « startup studio »

Attention, un Early Adopter n’est ni un chef de projet, ni un expert en intelligence artificielle. Pour mettre en place un MVP, il faut non seulement identifier ces personnes mais surtout les accompagner.

Avec Rodrigue, fort de notre expérience en Product Management et IA, nous avons opté pour une approche “Startup Studio” et avons fait un appel à volontaires en interne pour recruter nos premiers “Champions”. 

Un « Champion » est un Early Adopter, qui utilise déjà l’IA dans son quotidien et qui est motivé pour développer un outil ou lancer une initiative qui va aider toute son équipe.

L’accompagnement de ces Champions s’est déroulé en 4 phases distinctes :

1. Compréhension du contexte

Pendant la phase (a), nous avons interviewé les Champions avec des questions parfois très simples : “Raconte-nous une de tes semaines types ? Quelle est la mesure de succès de ton travail ? Comment utilises-tu l’IA aujourd’hui dans ton quotidien ? Quelles sont les tâches répétitives et à faible valeur ajoutée qui occupent tes semaines ? Quels sont tes gros challenges du moment ?”

2. Idéation et priorisation

Une fois le contexte compris, nous avons échangé avec les Champions pour trouver des solutions à leurs problématiques sans se limiter en termes de faisabilité. Une fois la longue liste établie, et grâce à nos connaissances sur l’IA et l’automatisation, nous avons priorisé 1 ou 2 idées impactantes qui nous semblaient rapidement faisables.

3. Développement d’un MVP

Pour le développement du MVP (c), nous nous sommes réunies avec les champions toutes les deux semaines pour nous assurer qu’ils avaient les moyens techniques ou budgétaires pour avancer.

4. Communication aux équipes

Une fois le MVP bien avancé, le champion le partage et le fait tester à ses pairs pour recueillir du feedback et le finaliser. Certains MVP ont ainsi dû être retravaillés ou même abandonnés car la technologie n’était pas prête.

Résultat ? Cette approche nous a permis de réaliser une dizaine de MVPs, dans la plupart des départements de Partoo (Sales, Marketing, Ressources humaines, Care, Produit), en s’appuyant sur nos champions.

Nous avons initié un mouvement d’innovation en nous reposant sur les early adopters. 

Nous avons bien sûr commis des erreurs. Notamment celle de ne pas inscrire cette initiative dans les OKRs (Objectives et Key Results) de chaque champion. Chez Partoo, chaque collaborateur a des objectifs trimestriels à respecter. Il est donc difficile de prioriser une initiative qui n’aide pas le collaborateur dans l’atteinte de ses objectifs. Le développement de certains MVP a ainsi été fortement ralenti.

C / La formation des collaborateurs

Une fois la valeur prouvée autour de quelques MVPs ou POCs, se pose rapidement la question du passage à l’échelle au sein de l’organisation.

D’après BCG, deux tiers des dirigeants se disent partagés ou insatisfaits face au développement de l’IA au sein de leur société. Ils identifient trois raisons principales à cela et la première d’entre elles est “le manque de talents et de compétences (62%)”.

La formation est donc le nerf de la guerre ! Il faut un minimum de bagage technique pour suivre les évolutions autour de l’intelligence artificielle et pour pouvoir s’en servir correctement au quotidien. Comment bien prompter ? Comment faire un GPT ? Quels sont les outils IA disponibles pour créer des vidéos ou des images ? Les sujets sont nombreux et plus ou moins complexes.

Pour cela très tôt, nous avons initié un cycle de formation chez Partoo, sous l’impulsion de Thibault Renouf (co-CEO) avec pas moins de 4 sessions d’une heure pour comprendre les enjeux et le vocabulaire associé : RAG, LLM, Chatbot, Agents IA, etc. Vous pouvez d’ailleurs consulter cet article followtribes ou vous inscrire au prochain cycle de formation sur l’IA ouvert à l’externe.

Nous avons également initié des formations métiers au sein des équipes : l’IA pour les équipes RHs, l’IA au service de la relation client, etc… L’objectif est à chaque fois le même : donner les bases et générer de l’engouement autour de ces sujets pour pouvoir envisager une organisation auto-apprenante où les collaborateurs pourraient se former continuellement.

Bien évidemment, il existe aussi de nombreuses formations en ligne ou en présentiel, gratuites ou payantes. Reste encore à faire le tri en fonction des challenges de l’entreprise, du niveau de départ des collaborateurs et des attentes associées.

D / L’importance du cadrage et de la vision

Comme souvent avec les innovations, tout le monde n’a pas le même niveau de confiance ou d’excitation. Certains collaborateurs peuvent se montrer méfiants ou avoir des craintes vis-à-vis de l’intelligence artificielle. Cela va-t-il impacter l’intérêt que j’éprouve pour mon travail au quotidien ? Est-ce qu’une utilisation régulière de ces outils comporte des risques pour mes données ou celles de mes clients ? Pire, est-ce que cet outil est amené à me remplacer ?

Selon le Fonds Monétaire International :L’IA affectera près de 40 % des emplois dans le monde, en remplaçant certains et en complétant d’autres

Pour répondre à ces questions légitimes, il est primordial de définir un cadre et une vision engageante à même de rassurer les collaborateurs.

Définir une Vision commune

Chez Brevo par exemple, les équipes ont passé du temps à bien définir cette vision. Comme me l’expliquait Julie Ehrmann (RevOps Directeur) et Yassine Hamou Tahra (Directeur CDP), l’intelligence artificielle revêt une forte dimension RH. Concrètement, il s’agit de fournir les outils les plus performants aux collaborateurs et de créer le meilleur environnement de travail possible. On est loin de l’enjeu ROIste qui ne parle pas forcément à tout le monde.

Clarifier la gouvernance

Au-delà de la vision, vient la question du modèle de gouvernance et des instances qui vont organiser les différentes initiatives et mettre en place des garde-fous.

L’exemple de Mirakl est à ce titre pertinent comme en témoigne mon échange avec Luc Andriana (Director of Product Operations). Sous l’impulsion d’un de leurs fondateurs, Philippe Corrot, ils ont initié une task force qui se réunit toutes les 2 semaines pour faire le suivi des initiatives et présenter les démos. Un concours a été mis en place en interne pour identifier les meilleures idées. Enfin, les enjeux de sécurité sont traités via un formulaire envoyé aux équipes en charge et qui vont ensuite donner leur go ou émettre des réserves.

Chez Partoo, nous avons souhaité inclure le maximum de collaborateurs et lançons donc notre “AI Pioneer” programme.

Concrètement, il s’agit d’un comité chargé de mettre en place des innovations autour de l’IA et de faciliter la vie des collaborateurs. Nous avons cherché à réunir un groupe pluridisciplinaire d’une dizaine de personnes maximum. Ce comité sera renouvelé chaque semestre et se réunira 2 fois par mois.

Les objectifs du comité sont simples :

  • Sourcer de nouveaux projets IA au sein des équipes métiers
  • Relayer les informations et apprentissages du comité dans les équipes et participer ainsi à la formation continue des collaborateurs
  • Aider à élaborer des MVP

L’intérêt pour les collaborateurs est quant à lui pluriel :

  • Devenir un expert en IA et se former sur les sujets de demain
  • Booster l’impact de son équipe
  • Avoir de la visibilité en interne sur un sujet clé
  • Bénéficier d’avantages pour tester les innovations et se former
  • Profiter de moments de convivialité avec des collaborateurs qui partagent un enthousiasme commun

En résumé, pour avoir toutes les chances de réussir cette transformation, il est nécessaire de prouver la valeur à travers des premiers cas d’usage simples, de former ses équipes et de définir un cadre et une vision attrayants.

Il est également crucial de favoriser l’émergence d’une communauté innovante au sein de l’entreprise. Ce sujet est trop vaste et complexe pour être abordé uniquement de manière descendante et en cercle restreint. Il est essentiel d’encourager une approche collaborative et inclusive, où chaque employé se sent impliqué et motivé à contribuer. En outre, il est bénéfique de s’inspirer des meilleures pratiques d’autres entreprises pour éviter de reproduire les mêmes erreurs et ainsi gagner du temps précieux.

Comme le mentionnait récemment un article des Échos : « l’intelligence artificielle nous impose de prendre des risques ». Il est donc essentiel pour les entreprises qui veulent rester compétitives de se lancer et d’intégrer l’intelligence artificielle au cœur de leur stratégie.