1. Culture et principes
On ne compte plus les exemples de grandes entreprises historiques bousculées par des startups utilisant la donnée comme arme. Ces vingt dernières années, poussé par les nouvelles technologies, le monde a connu une accélération inédite : les attentes des consommateurs comme les produits de vos concurrents évoluent à grande vitesse. Dans ce contexte, être “data-driven” n’est plus une option, c’est une question de survie. C’est se mettre en capacité de s’adapter à un marché en constante mutation, faire les bons choix d’investissement et optimiser jour après jour ses opérations. Mais la data est aussi un levier puissant pour développer un réel avantage compétitif.
On pourrait distinguer 2 groupes dans les startups :
- Celles qui ont fait de la donnée le coeur de leur business model à l’image de Shift Technology ou Doctrine par exemple
- Les autres, pour qui la proposition de valeur ne repose pas essentiellement sur l’exploitation de donnée. Pour ce premier groupe, la culture data va généralement de soit puisqu’à la génèse de l’entreprise. Mais si comme nous chez Partoo, vous êtes plutôt dans le deuxième groupe, alors notre article en deux parties devrait vous intéresser.
Instaurer une culture data-driven ne se fait pas en un clin d’oeil : sans stratégie et étapes claires, c’est un chemin semé d’embûches. Dans cette première partie, nous verrons donc pourquoi intégrer la data à votre culture d’entreprise est essentiel et partagerons un retour d’expérience issue de l’aventure Partoo.
2. Placer la data au coeur de votre startup
Amazon, site ecommerce ou acteur du big data ?
En créant Amazon en 1995, Jezz Bezos déclarait que la mission de l’entreprise était d’être l’entreprise la plus centrée sur le client. 25 ans plus tard, le mot d’ordre n’a pas changé. J’ai travaillé pendant 2 ans pour Amazon et je peux vous confirmer qu’au delà du discours c’est réellement une boîte qui base toutes ses décisions en mettant le client au centre. Mais autre chose m’a frappé durant cette expérience : la place de la donnée. Croyez-moi, tout ce que vous pouvez imaginer mesurer l’est chez Amazon.
La donnée est partout et on la retrouve dans chaque email échangé dans l’entreprise : c’est un outil utilisé pour fixer les objectifs, prioriser, piloter l’activité au quotidien, prendre des décisions ou encore prédire quand un produit sera vendu et donc quand il faudra le stocker. Et Amazon a commencé très tôt à s’intéresser à la donnée : dès janvier 1997, Jeff Bezos réunissait un petit groupe d’employés pour leur communiquer son intention de vouloir créer une culture d’indicateurs dans l’entreprise et leur lançait le défi d’inventer des méthodes de mesurer la satisfaction client. Avec quelques data scientists, Amazon inventa les premiers moteurs de recommandation de produit, aujourd’hui présents sur la plupart des sites ecommerce et qui prédisent ce que vous achèterez ensuite (technologie en open-source depuis 2016).
C’est avec cette culture data très forte qu’Amazon a progressivement transformé la donnée en commodité. D’ailleurs on ne présente plus Amazon comme un simple commerçant mais désormais comme une acteur du big data qui commercialise son infrastructure cloud pour…financer son activité retail ! Les raisons du succès d’Amazon sont multiples, mais s’ils occupent cette place dans le commerce mondial, leur maîtrise de la donnée n’y est sans doute pas pour rien !
Une donnée trop limitée aux Sales chez Partoo
Chez Partoo, nous estimons avoir du retard dans notre maîtrise de la data. L’origine de ce constat trouve probablement racine dans la nature de notre parcours. Depuis 2014, nous commercialisons un produit SaaS avec la particularité d’avoir généré toute notre croissance en autofinancement, comme nous l’expliquons plus en détails dans cet article dédié à cet aspect de notre stratégie. Avec un taux de croissance annuel à 3 chiffres depuis nos débuts, rien ne nous poussait à multiplier les KPIs.
Jusqu’ici nous pilotions notre business essentiellement grâce aux métriques classiques des SaaS : revenu annuel récurrent (ARR), CAC et burn rate qui permettent (1) d’évaluer la qualité de l’offre et (2) de déterminer la rentabilité. Toutefois la limite de l’autofinancement est que vous ne pouvez pas utiliser l’embauche massive comme arme pour “doubler” vos concurrents. Il nous est alors paru évident que notre capacité à faire mieux avec moins était un élément clé. Par rapport à des concurrents ayant de plus grandes équipes Tech, nous avons moins le luxe de nous tromper sur notre roadmap produit.
Nos clients nous le disent (NPS>60) : notre force réside dans notre produit et dans l’accompagnement que nous leur offrons. Jusqu’ici les décisions produit ont plutôt été bien senties mais pour être complètement honnêtes : nous naviguons en partie à vue. Il nous est apparu urgent de pouvoir mesurer la qualité de nos produits et de mieux utiliser la donnée pour continuer à faire les meilleurs arbitrages.
De multiples opportunités au-delà du pilotage de notre cycle de vente
Il y a 4 mois, nous nous sommes donc lancés dans un chantier Analytics convaincus que le retour sur investissement sera au rendez-vous. Les bénéfices attendus sont nombreux :
- Détecter plus efficacement et plus tôt les clients à fort risque de churn
- Développer une culture d’innovation et d’expérimentation par la donnée (nous travaillons par exemple actuellement sur une fonctionnalité visant à aider nos clients à tirer des actions des avis récoltés sur leurs points de vente, grâce à de l’analyse sémantique)
- Mieux identifier les points forts de notre produit
- Mieux prioriser les prochaines features à développer et faire de meilleurs choix que nos concurrents
- Combattre “l’HiPPO” (highest paid person’s opinion)
- Rendre plus légitimes les décisions prises pour nos équipes
- Identifier de nouvelles opportunités/marchés
- …
Dans une étude de 2013, le cabinet de conseil Bain indiquait après sondage que seulement 4% des entreprises avaient une organisation (staff, outils, volonté) permettant d’obtenir des insights data pertinents et utiles sur lesquels baser leurs décisions. Depuis, il y a fort à parier que la situation se soit améliorée mais ce chiffre démontre à quel point maîtriser la donnée peut être un avantage compétitif. Pour construire cette organisation, nous sommes convaincus chez Partoo que c’est avant tout une affaire de culture et d’engagement !
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3. L’importance de s’aligner sur des principes avant de démarrer tout chantier data
Avant de se lancer tête baissée dans le choix d’outils, nous avons chez Partoo pris le temps de discuter de la vision et de principes forts comme base pour déployer notre stratégie. Cette discussion nous amené à retenir les principes suivants :
Data-informed
Ce premier principe (inspiré en partie par cet article) nous a permis de partager le constat que les analytics ne venaient pas remplacer les outils utilisés jusqu’ici : user research (NPS, interview, surveys…) et insights utilisateurs, notre intuition, les benchmarks… Nous voyons la data comme un outil supplémentaire venant éclairer nos décisions.
Par exemple, il nous est arrivé que le lancement d’une fonctionnalité ne produisait pas le retour sur investissement escompté : convaincu du besoin, nous avons décortiqué le comportement utilisateur et décidé de continuer à itérer même si la donnée nous poussait plutôt au contraire. Si nous nous étions arrêté aux premiers résultats chiffrés, nous serions passé à côté d’une belle opportunité. Les KPIs doivent toujours être mis en perspective et lus au travers du prisme de l’utilisateur. En ce sens notre souhait est de construire une organisation plutôt data-informed que data-driven. Confronter la donnée à son intuition reste indispensable.
Autonomie
Nous nous attachons à construire un système permettant un accès large à la donnée : l’objectif est de démocratiser au maximum la recherche, le questionnement et l’expérimentation. Tout le monde chez Partoo, peu importe sa séniorité doit pouvoir accéder à toute la donnée disponible et aux outils d’analytics pour tester ses idées ou son intuition.
Pour revenir à mon expérience chez Amazon : dans cette entreprise, la transparence est totale ; il m’était possible d’obtenir n’importe quelle information sur toute la donnée existante au niveau mondial et ce sans avoir besoin d’obtenir une quelconque autorisation (à l’exception des chiffres de vente du Kindle, qui étaient gardés secrets à l’époque pour des raisons stratégiques). Nous croyons que c’est uniquement en démocratisant la donnée que nous pourrons innover à grande échelle. A défaut, l’innovation dans votre entreprise restera au pire bridée, au mieux ralentie par des instances qui deviendront un goulot d’étranglement (par exemple si tous les requêtes doivent traitées par une équipe data).
Adoption
Mais cela ne suffit pas. Nous réfléchissions chez Partoo à mettre en place des créneaux de formation aux outils animés par notre data analyst et à un système de gamification/certification pour inciter les équipes à se former. La formation est clé pour aider aux premiers pas sur les outils d’analytics mais pas seulement. En effet, une mauvaise utilisation des outils d’Analytics peut être contre productive et conduire à de mauvaises décisions. Nous vous conseillons par exemple de maintenir un dictionnaire de définition de vos KPIs pour que tout le monde puisse bien les comprendre, d’éduquer autour des “vanity metrics”, de discuter de tous les biais ou erreur possibles dans l’interprétation de vos AB tests, de vulgariser la significativité statistique, ou encore de former à la dataviz (une même donnée représentée graphiquement sous 2 formes peut faire aboutir à 2 conclusions opposées !).
L’autre enjeu de la formation est de donner les clés pour éviter à chacun de se perdre dans cet océan de donnée en général généré par les entreprises du numérique. Chez Partoo, nous aimons évoquer 3 approches différentes :
- Insight : creuser la donnée dans un but précis pour éclairer une prise de décision, quantifier un use case, étayer une initiative avec des arguments data, ou encore analyser l’usage du produit selon le type d’utilisateur
- Optimization : mesurer des KPIs génériques qui permettent de piloter l’activité, analyser des processus ou de suivre un AB test
- Innovation : explorer la donnée sans but trop précis avec pour objectif de réaliser des découvertes. Cet exercice de data-mining est plutôt destiné aux personnes très à l’aise avec l’analyse quantitative (data analysts, data scientists)
Confiance
Même s’il est toujours sain de questionner la donnée, cette attitude ne doit pas provenir d’un manque de confiance dans les outils ou la qualité de la donnée. Sans gouvernance, il paraît difficile de garder un setup maîtrisé, d’avoir un ownership sur les évolutions, la maintenance ou la documentation. Nous reviendrons sur ce point crucial dans la deuxième partie de cet article.
Single source of truth
Avec la croissance et l’implémentation progressive de nouveaux outils, il y a fort à parier que comme nous chez Partoo, vous arriverez avec la même donnée disponible à 2 endroits différents. Établissez des règles claires sur l’unique source “officielle” pour chacun de vos KPIs/usages. Si vous installez par exemple Google Analytics et Amplitude sur votre application : il est certain que vous aurez des différences sur les même métriques. Ne perdez pas de temps à chercher à les expliquer (elles proviennent très certainement de la solution en elle-même) ; définissez plutôt vos règles “single source of truth”.
Flexibilité
Nous évoquerons le choix des outils plus loin dans la deuxième partie de l’article mais il nous a paru évident dès le départ que chacun dans l’entreprise à des besoins différents. Aussi il est important d’avoir un outil simple permettant d’obtenir très rapidement la réponse à une question business précise et ponctuelle tout en ayant la possibilité de construire des analyses poussées ou des dashboards détaillés. Cette flexibilité est clé si vous souhaitez réussir à embarquer toute l’entreprise dans une culture data-informed.
Rétrocompatibilité
Dans la continuité de la flexibilité, pouvoir changer d’outil dans le temps sans perdre ce précieux actif qu’est votre donnée est indispensable. Pour illustrer, nous avons choisi de travailler avec Google Tag Manager : les évènements sur notre application y sont stockés et peuvent à tout moment être routés vers un outil de Product Analytics différent. GTM étant gratuit et adossé à Google, nous limitons ainsi le risque de perdre les données tout en restant indépendant vis à vis de notre outil de Product Analytics.
Sans alignement sur la vision, il paraît difficile d’aboutir à d’importantes et fréquentes découvertes rendues possibles par la donnée. Les principes listés ci-dessus ont été l’occasion de vifs débats chez Partoo mais nous savons désormais où nous voulons aller !
Dans cette deuxième partie, nous rentrerons un peu plus dans le concret en vous donnant quelques pistes pour bien choisir vos outils d’analytics et aborderons l’importance d’instaurer une bonne gouvernance de la donnée.