J’aime profondément mon métier. Comme j’ai tendance à m’ennuyer rapidement, le rôle de CFO m’offre une variété de sujets et de missions vraiment stimulants, surtout dans des startups en croissance.

Cette variété de mission génère un problème : il n’est pas évident d’avoir une vision globale du poste. J’ai souvent été sidéré par l’incompréhension de mes collègues (souvent très expérimentés et brillants) qui, après quelques mois de travail en commun, me demandent : “C’est quoi ton métier en vrai ? Tu es comptable ?”.

J’ai vécu les mêmes situations dans des entretiens d’embauche avec des CEO de startups mais aussi lors de conversations privées avec des amis C-Level dans des belles startups.

Le vrai problème est que les gens pensent comprendre. Tout le monde a déjà fait un Business Plan ou a suivi un cours de comptabilité à l’école ; mais qui est capable d’expliquer clairement et exhaustivement sa vision de la fonction finance en startup ?

C’est un biais classique de profondeur explicative : on prend conscience qu’on ne comprend pas quand on essaye de le vulgariser.

J’ai trois cas en tête où ce biais à des impacts très concrets :

  • Des CEO sans aucune vision de la finance qui recrutent un mauvais DAF.
  • Des outils métier finance médiocres à cause de l’absence de compréhension de la finance par les Product Manager des éditeurs.
  • Des commerciaux de SAAS qui ne sont pas crédibles car ils ne comprennent pas les enjeux des DAF.

Le but de cet article est de vous aider à vous construire une vision de ce qui serait une bonne équipe finance en startup. Pour cela, la première partie sera destinée à creuser les différentes tâches de la fonction finance pour dégager dans un second temps une définition d’une bonne équipe finance

1) Chaque cycle doit être orienté vers les clients  

Les différentes fonctions de la finance peuvent être nommées en cycles afin de mieux visualiser chaque flux et ses enjeux. Ils sont au nombre de 4 :

  • Order to Cash (les ventes)
  • Procure-to-Pay (les achats)
  • Record to report (le reporting)
  • FP&A (contrôle de gestion)

On peut aussi y ajouter les activités de financement, les projets stratégiques ainsi que des activités annexes qui tombent souvent dans les missions du DAF en startup (RH, Juridique et Office Management).

Ces activités forment un système que je représente comme suit : un objectif, la santé financière de la startup, soutenu par deux piliers : l’impact opérationnel et l’impact stratégique. Pour que le système soit orienté client, chaque cycle doit l’être (On entend “client” au sens du Lean soit la prochaine personne dans le flux ou le client final).

a) Order to Cash

  • Les ventes : de la commande au suivi des paiements en passant par la facturation. L’impact opérationnel est crucial pour le BFR et c’est une source de données importante pour le reporting (via le Chiffre d’Affaires notamment). C’est un cycle compliqué car la facturation est souvent opérationnellement difficile. De même, il faut gérer le cash collection avec une intelligence business car on est au contact des clients.
  • On mesure un bon cycle O2C à l’encours client et à la qualité de la facturation.

b) Procure-to-Pay 

  • Les achats : de la commande au paiement des fournisseurs grâce à la relation contractuelle. Comme l’O2C, l’impact opérationnel est crucial pour le BFR et c’est une source de donnée importante pour le reporting.
  • Un bon flux P2P est apprécié par ses clients soit les salariés (simplicité des process), les fournisseurs (nombre de relances) et le management (contrôler la trésorerie).

c) Record to Report

  • Le reporting : de la définition des reportings à la collecte des données et à leur production. Bien que ce soit une activité importante pour la finance, l’impact sur le business est indirect : c’est une interface entre l’opérationnel et le stratégique. En incluant la comptabilité, ce flux est cependant essentiel pour la conformité fiscale de la startup (TVA, CVAE, IS).
  • Un bon flux R2R peut être mesuré grâce à la qualité des reportings et le délai de production.

d) FP&A 

  • Financial Planning & Analysis (Contrôle de Gestion). Ce cycle est hautement stratégique : faire un budget, un business plan ou un reforecast consiste à traduire les hypothèses du management en une trajectoire financière. C’est le moment où le CFO doit contribuer à la stratégie de la startup en la structurant. Après avoir établi le budget, l’analyse des écarts permet de comprendre les dynamiques pour réagir.
  • Un bon flux FP&A doit être profondément intéressant par son client principal, le CEO. Il doit montrer la compréhension fine par le CFO des enjeux internes opérationnels mais aussi de l’environnement de marché.

e) Financement

  • La finance a pour rôle de garantir que l’entreprise dispose des fonds nécessaires pour répondre à ses besoins. La définition des besoins est intimement liée aux prévisions financières issues du FP&A.
  • Une bonne gestion du financement présente deux aspects. Premièrement, une bonne gestion des échéances et des prévisions pour que le timing permette à la startup de se financer dans de bonnes conditions. Deuxièmement, une adéquation entre les besoins et les financements possibles : levée de fonds en capital pour la croissance non rentable ou des investissements, dette ou affacturage pour le BFR, subventions ou préfinancement du CIR pour la R&D.

f) Projet spéciaux (en fonction du business model de la société)

  • Certaines startups ont besoin d’un CFO beaucoup plus tôt que la normale, souvent car leur modèle économique inclut des aspects financiers importants tels que le financement d’actifs, des flux de paiements complexes ou une expansion géographique rapide.
  • Ces projets sont spécifiques à certaines startups et peuvent modifier grandement le rôle du CFO mais aussi son impact stratégique.

g) Activités annexes (Legal, Office Management, RH)

  • Le fait que la finance gère toutes ces activités découle d’un pragmatisme lorsque l’équipe est réduite. Le CFO est souvent la meilleure personne pour s’occuper des contrats, de la conformité réglementaire, de la paie, des contrats de travail, de la gestion des prestataires des bureaux et des achats de services généraux.
  • Il ne faut pas sous-estimer l’impact opérationnel de ces activités sur l’ensemble de l’équipe de la startup, ni le temps nécessaire à la finance pour bien réaliser ces missions.

J’ai délibérément omis de citer quelques autres missions de la finance : la gestion des risques, la gestion de la trésorerie, le contrôle interne et la gestion des assurances. En effet, si celles-ci sont généralement sructurées dans une grande entreprise, elles sont relativement marginales dans une jeune startup.

2) Une bonne équipe finance doit avoir un impact

La mission d’un.e CFO est de garantir la santé financière de la start-up en construisant une plateforme de support aux équipes opérationnelles et un support stratégique au management.

Un CFO doit avoir un impact !

De nombreuses équipes finance se contente de faire du reporting sans penser à la suite. Le reporting est seulement une interface entre les opérations et la stratégie : cela doit aider le CFO à se mettre au même niveau que le CEO pour faire l’hélicoptère entre opérations et stratégie et être pertinent dans la recherche d’amélioration.

La tarte à la crème de la finance, c’est d’être un business partner : un partenaire qui aide le management à piloter la startup avec des conseils basés sur les chiffres. 

A cela s’ajoute un axe plus opérationnel : en assumant sur son rôle de support aux opérations, la finance doit être un business maker. Toutes les autres fonctions doivent se sentir plus fortes grâce à la finance. Cette vision est dure pour beaucoup de CFO car la norme en entreprise est une guerre stérile entre les commerciaux et la finance ; dans ce cas on peut aisément dire que l’équipe finance n’a pas compris son métier. Définir les besoins de ses clients (CEO/Sales/Operations/etc) est la meilleure manière d’avoir un impact rapide.

Il ne faut cependant pas oublier que le CFO est le garant de la conformité de la startup (fiscale, sociale, réglementaire). En cas de contrôle fiscal, il sera tenu responsable d’un potentiel redressement. Cet aspect n’est pas un frein aux missions business du CFO (avoir un impact / aider les autres équipes) : il doit au contraire aider les salariés à naviguer dans ces contraintes réglementaires.

En conclusion, pour savoir si une équipe est performante, on peut se poser deux questions :

  • Est-ce que les autres équipes (opérations, sales, marketing, tech, produit) considèrent que la finance les aident à mieux réussir dans leurs missions ?
  • Est-ce que l’équipe finance à eu un impact concret sur la startup ? 
  • Par exemple en résolvant un problème (de marge ou de cash) qui améliore la santé de la société ou en étant décisif sur des décisions stratégiques.