En 2022, nous avons lancé un nouveau concept chez Matera : les Glasnost. Le principe ? Chaque vendredi, tous les Materanis peuvent poser des questions en anonyme et les cofondateurs, à tour de rôle, se doivent d’y répondre en toute transparence. L’une des questions qui est souvent revenue ces derniers mois est : “Pourquoi a-t-on décidé d’ouvrir un nouveau pays alors qu’il y a encore tant de parts de marché à prendre en France ?”. 

Les trois fondateurs de Matera

Matera est le 4ème acteur sur le marché français en gestion de copropriété. Nous accompagnons actuellement 6 500 copropriétés clientes dans la gestion de leur immeuble, soit plus de 150 000 copropriétaires. Mais le marché de la copropriété en France représente à lui seul plus de 15,5 millions de logements en copropriété ! 

Alors pourquoi nous sommes-nous embêtés à ouvrir un nouveau pays, lancer un produit, construire un parcours commercial, traduire toute notre documentation sur Notion et louer de nouveaux bureaux à Berlin ? Et surtout, pourquoi avons-nous choisi l’Allemagne et où en sommes-nous aujourd’hui ? 

Dressons le bilan ensemble de cette première année en Allemagne autour de 4 grands axes : 

  1. Ouvrir un nouveau pays vs. Obtenir plus de parts de marché en France 
  2. Le pourquoi du comment de l’Allemagne
  3. Les premiers pas
  4. Notre bilan après un an en Allemagne : nos succès et nos galères

I – Ouvrir un nouveau pays ou obtenir plus de parts de marché en France ?

La réponse que j’ai donnée à la question qui m’a été posée pendant le Glasnost porte un nom : l’equity story. 

Derrière Matera, il y a des investisseurs qui nous soutiennent : Samaipata, Index Ventures, Bpifrance et plus encore. Peu d’entrepreneurs veulent l’admettre mais l’equity story est inévitable dans une start-up en hypercroissance qui dépend des levées de fonds. Nous voulions donc raconter à nos investisseurs le futur de Matera en leur dévoilant notre vision à court et moyen terme. 

Cette vision était (et est toujours) la suivante : devenir le leader de la gestion de copropriété et du logement en Europe. 

Pour convaincre nos investisseurs du potentiel de Matera, nous devions augmenter notre taille de marché adressable et donc… ouvrir un nouveau pays. 

II- Le pourquoi du comment de l’Allemagne

Vient ensuite une question évidente : quel pays ouvre-t-on et pourquoi ? 

Pour savoir par où commencer, j’ai décidé de parler à d’autres entrepreneurs qui avaient été confrontés aux mêmes problématiques. À ce titre, un grand merci à Loïc Soubeyrand de Swile et à Bertrand Jelensperger de TheFork qui m’ont dit exactement la même chose sans s’être concertés à 3 jours d’intervalles. Leur conseil ultime ? Ouvrir un nouveau pays nécessite tellement d’investissement et de focus que quitte à ouvrir un nouveau pays, autant ouvrir le pays avec la plus grande taille de marché et qui pourra représenter une part significative du revenu futur de la boîte.

Nous nous sommes ensuite lancés dans une vaste étude de marché pour analyser toutes les possibilités qui s’offraient à nous. 

Pour rationaliser notre choix, nous avons tout d’abord décidé de nous restreindre aux pays Européens. En effet, la notion de boîte européenne pour Matera est contenue dans notre vision. Cela tombait donc sous le sens. Nous avons ensuite étudié de près le fonctionnement juridique des copropriétés des principaux pays d’Europe. Après quelques mois de recherche juridique, nous avons décidé de nous restreindre aux pays dont les copropriétés ont un fonctionnement juridique similaire à la France. 4 pays se sont distingués : l’Espagne, la Belgique, l’Italie et l’Allemagne. 

Nous avons ensuite regardé la taille du marché adressable de chacun de ces pays, étudiés les acteurs sur le marché et mené des entretiens qualitatifs auprès de copropriétaires dans ces 4 pays pour connaître leur point de vue sur les syndics de copropriété, ce qui fonctionne bien et les pistes d’amélioration. 

Notre objectif ? Évaluer le potentiel de croissance de Matera dans chacun de ces 4 pays.

Rapidement, l’Allemagne s’est imposée à nous pour quatre raisons principales : 

  • Les syndics refusent les plus petites copropriétés pour des questions de rentabilité : beaucoup de copropriétés en Allemagne n’ont donc pas de syndic ; 
  • Les copropriétaires paient des honoraires de syndic très élevés en Allemagne ; 
  • Les dysfonctionnements du modèle du syndic professionnel sont très similaires à ceux de la France : manque de réactivité, manque de transparence, charges élevées, etc. ;
  • Le marché de la copropriété en Allemagne représente 1,7 milliard d’euros, soit le plus grand marché d’Europe.

III – Les premiers pas

Avant de se lancer, en avril 2021, nous avons recruté Alice, qui a été chargée de mieux comprendre le marché allemand. Franco-allemand, son rôle a été de mener des entretiens avec des copropriétaires allemands pour mieux comprendre leurs enjeux, leurs attentes et leurs frustrations vis-à-vis des syndics de copropriété. Elle s’est aussi plongée dans toute la législation allemande de la copropriété (et ce n’était pas une mince affaire !). 

Nous avons ensuite recruté Moritz, premiers sales de l’équipe Allemagne, devenu Head of Sales depuis. Son rôle ? Trouver des premiers canaux d’acquisition avec l’équipe marketing France et convaincre les prospects de voter Matera à leur prochaine assemblée générale. 

Tiens, justement en parlant d’acquisition… Nous avons eu la chance de pouvoir rapidement travailler avec des courtiers, c’est-à-dire des comparateurs de syndics, qui nous ont très vite rapporté un nombre important de leads avec un coût par lead (CPL) très intéressant. Ce canal nous a réellement permis de tester beaucoup de choses le temps de fixer le process sales dans son ensemble. 

En parallèle, nous recherchions un Country Manager pour prendre la tête de l’Allemagne. Ce recrutement était clé : nous voulions quelqu’un de solide, aligné avec notre vision et notre mission en France et capable de porter toute la stratégie en Allemagne. Finalement, Gero est arrivé en septembre. Il avait notamment lancé Getaround en Allemagne quelques années auparavant, son profil s’est donc imposé à nous. Gero a passé quelques semaines dans nos bureaux à Paris, il a discuté avec l’ensemble des équipes pour comprendre le fonctionnement du cycle de vente, les stratégies d’acquisition, de branding, mais aussi le produit, l’onboarding de nos clients et leur accompagnement une fois le paramétrage de leur compte terminé. 

Puis, Gero, Moritz et Alice se sont envolés pour Berlin. C’était le début de l’aventure ! En octobre 2021, Matera était officiellement lancé en Allemagne.

Et, au fait, après le lancement ça donne quoi ? On a lancé officiellement l’Allemagne en octobre 2021. Un mois après, nous avions signé notre premier client. 3 mois plus tard, nous en comptions 30. On a donc très rapidement su qu’il y avait un réel intérêt du marché pour le modèle de Matera. 

Article de presse Matera Allemagne
“Une start-up veut faire économiser 30 % aux propriétaires de maisons.”

Nous avons continué de tester de nouveaux canaux d’acquisition, notamment Adwords et le display. Cependant, le CPL était beaucoup plus élevé que sur les brokers. Des questions d’efficacité ont donc commencé à se poser. Finalement, aujourd’hui, nous avons conservé les brokers comme principal canal d’acquisition. Nous conservons aussi un peu de search en maîtrisant le CPL et nous avons complètement coupé le display. C’est d’ailleurs une stratégie d’efficacité que nous adoptons aussi sur le marché français.

Il a fallu également qu’on recrute très rapidement, notamment beaucoup de SDR et de sales pour traiter le volume de leads qui était très important. Le recrutement reste l’un de nos plus gros problèmes sur le marché allemand, particulièrement sur les postes opérationnels (sales, onboarders, CSM). Les attentes des salariés allemands sont différentes des salariés français, ils sont moins attirés par le secteur des start-ups… Nous devons donc redoubler d’efforts pour les attirer. 

Autre point notable : en France, depuis la crise du Covid-19, les Materanis sont libres d’être en full-remote, d’adopter un mode hybride (présentiel et quelques jours en remote) ou d’être tous les jours en présentiel. Nous avons voulu conserver ce mode de travail flexible en Allemagne. Mais, très vite, on s’est rendu compte que ça ne marchait qu’avec un certain type de profils et avec des process beaucoup mieux rodés. Nous avons donc dû faire marche arrière et nous revenons aujourd’hui à une équipe beaucoup plus centralisée à Berlin. 

Continuons sur les recrutements… Chez Matera, le cycle de vente dure entre 3 et 4 mois : il nous restait donc ce temps pour recruter les Onboarders et les Success. En parallèle, une squad en France a été (et est toujours) complètement dédiée au développement du produit en Allemagne. 

Dès que le MVP a été prêt et que les premiers leads ont vu leur assemblée générale s’approcher, on a recruté notre RH en Allemagne qui s’est occupée de trouver nos premiers Onboarders et Customer Success. L’objectif ? Paramétrer les comptes des nouveaux clients le plus rapidement possible et conserver le même niveau d’excellence que l’accompagnement client en France. En réalité, nous avons complètement sous-estimé le temps que prenait l’onboarding des comptes en Allemagne. Et là encore, nous avons rencontré de gros problèmes pour le recrutement de nouveaux talents. Résultat ? Nous avons dû mobiliser des sales pour aider à l’onboarding et couper quasiment tous les canaux d’acquisition le temps que l’onboarding soit rattrapé pour les clients existants. C’est probablement l’une de nos plus grosses erreurs en Allemagne, j’en reparlerai plus tard. Cependant, j’en tire des learnings hyperintéressants pour, qui sait, le lancement d’un nouveau pays plus tard. 

Nous avons également recruté un Content & Communication Manager qui est chargé de la stratégie SEO, des relations presse en Allemagne et des réseaux sociaux. L’objectif ? Reprendre la stratégie de communication en France et l’adapter au marché allemand. On s’est notamment posé la question de la marque : comment garder une seule et même marque tout en l’adaptant aux différents marchés ? Pour être tout à fait transparent, nous n’avons pas encore la réponse. Mais nos équipes vont travailler ensemble pour construire une stratégie de marque cohérente et pouvoir l’adapter à la culture et aux attentes des différents marchés. 

En bref, il y a beaucoup d’adaptations à faire, beaucoup de changements à effectuer en peu de temps, mais je dirais qu’aujourd’hui, nous avons trouvé un bon rythme de croisière. Le plus important, à mon sens : que Matera soit une seule et même entreprise, malgré les différents rythmes d’avancement des deux pays. C’est pourquoi, je compte beaucoup sur la communication entre les deux équipes et j’ai moi-même beaucoup d’échanges avec Gero, notre Country Manager, pour m’assurer que nous avançons dans la même direction. 

IV – Notre bilan après 1 an en Allemagne

Parce que chaque ouverture de pays représente un coût important au départ, voici ce qu’on a réussi et les leçons qu’on retient pour la suite. 

Ce qu’on a réussi :

Equipes Matera Allemagne
Alice, Moritz et Gero de Matera

Bon, tout d’abord, je vais commencer par ce qu’on a réussi : 

  • Nous avons recruté un Country Manager pour s’occuper de la stratégie de développement en Allemagne : Gero, ex Country Manager chez Getaround, a su comprendre la vision et la mission de Matera et continue de porter la stratégie en Allemagne avec brillo ; 
  • On a ouvert des bureaux à Berlin (et j’ai même eu la chance de rendre visite à l’équipe berlinoise en plein déménagement après 8 longues heures de train) ;
  • On a recruté une vingtaine de personnes en marketing, sales et accompagnement client ; 
  • On a aujourd’hui plus de 300 copropriétés clientes ; 
  • Le revenu généré grandit 6 fois plus vite qu’en France au même stade de développement ! 

Les leçons que l’on retient pour les prochaines ouvertures de pays : 

Parce qu’on ne compte pas se limiter à l’Allemagne, voici les erreurs qu’on a commises et qu’on gardera en tête pour nos prochaines ouvertures de pays : 

1) Prendre en compte les adaptations du produit

Même si le fonctionnement des copropriétés en France et en Allemagne est très similaire, nous avons dû réadapter complètement le produit aux copropriétaires allemands. Et je ne parle pas que de traduction ! Quelques fonctionnalités nous ont notamment donné du fil à retordre : permettre aux copropriétaires d’ouvrir un compte de paiement Matera en moins de 48h ouvrées, la clôture des comptes annuels ou encore la répartition des frais de chauffage. Mon conseil : mieux anticiper le MVP avant de lancer un pays (nous avons eu des nouveaux clients beaucoup plus vite que ce que nous avions prévu !) ; 

2) Mettre en place des routines de communication entre la France et l’Allemagne

Au lancement de l’Allemagne, tout n’était pas toujours clair sur qui prenait la décision finale et comment on avançait à 2 vitesses tout en restant une boîte soudée. Aujourd’hui, je peux dire qu’on a trouvé un bon équilibre. J’ai un weekly avec Gero, notre Country Manager, et la team France a donné énormément de coups de pouce à l’Allemagne pour se lancer, l’objectif étant de répliquer ce qui a déjà bien marché en France et d’apprendre de nos erreurs. Aujourd’hui, la communication entre les deux pays est quotidienne ! ; 

3) Anticiper le nombre de leads

Dès les trois premiers mois, on s’est retrouvés avec énormément de leads malgré un faible budget d’acquisition. On a donc très mal anticipé nos besoins en recrutement, notamment sur la partie SDR et sales. Si je peux donner un conseil aux entrepreneurs qui se lancent : fixez vos objectifs en fonction de votre équipe déjà en place et/ou de votre capacité à recruter rapidement ; 

4) Anticiper les recrutements

Je l’ai dit, mais nous ne nous attendions pas à un tel volume de leads et nous avons donc tardé à recruter les premiers Onboarders et Success pour accompagner nos clients. Nous avons donc dû couper quasiment tout le budget acquisition, demander à des sales de nous aider à onboarder des clients… Même l’équipe France a été mobilisée ! Si c’était à refaire, je recruterais les ICs (individual contributors) beaucoup plus rapidement sur tous les postes opérationnels. Je m’orienterais aussi davantage sur des profils “couteaux suisse”, qui peuvent aider différents business units ; 

5) S’adapter au package salarial et aux attentes des salariés

C’est clairement quelque chose auquel je ne m’attendais pas mais le recrutement en Allemagne a été beaucoup plus difficile que prévu. Déjà, on ne s’attendait pas à un marché aussi tendu en Allemagne. Deuxième erreur : nous avons voulu répliquer chaque poste et package salarial en Allemagne. Or, parmi les personnes qu’on a rencontrées pour différents postes, on a relevé que les attentes salariales des Allemands étaient plus élevées qu’en France et que les conditions de travail étaient également beaucoup plus importantes. À notre grand désarroi, les salariés allemands sont par exemple bien moins intéressés par le secteur des start-ups que les salariés français. On a donc dû redoubler d’efforts pour les attirer. 

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Raphaël Di Meglio, CEO de Matera

L’ouverture d’un nouveau pays est centrale dans une boîte en hypercroissance. Et même si aujourd’hui, on a décidé chez Matera de se concentrer sur l’efficacité plutôt que sur la croissance à tout prix, ouvrir un nouveau pays nous a appris énormément de choses. 

Alors je finirais sur le conseil suivant : rencontrez d’autres entrepreneurs, apprenez de leurs erreurs, faites-en aussi (parce que c’est un passage obligé) et tirez-en des apprentissages pour les prochaines étapes de développement de votre boîte !