La semaine dernière, nous vous avons livré dans une première partie quelques conseils pour renforcer votre culture data, inspirés de ce que nous mettons en place actuellement chez Partoo. C’est en confrontant les 7 principes discutés dans cette première partie que nous nous assurons de prendre les bonnes décisions. Dans cette deuxième partie, nous nous pencherons sur le choix des technologies et la gouvernance des données.
1. Comment choisir la bonne stack de data-analytics ?
L’usage des analytics est vaste avec comme seules limites la quantité de donnée disponible et votre imagination. Sans une approche méthodique on risque rapidement de se retrouver dans une impasse. Il peut être tentant de se tourner vers leader du marché ou la première solution gratuite que l’on trouve. Mais attention à ne pas sous-estimer l’importance du choix de la stack sans quoi vous risquez de perdre votre temps et de l’argent.
Tout d’abord il est peu probable que vous trouviez un seul outil pour répondre à tous vos besoins. Selon la taille de votre business, entre la collecte, l’hébergement et l’exploitation des données, c’est une multitude de technologies qui peuvent s’imbriquer. Le type de business aura aussi une influence sur l’identification des outils les plus adaptés : les besoins ne sont évidemment pas les même entre un ecommerçant, une application mobile B2C ou un SaaS B2B. Voici les différentes étapes que nous vous conseillons de suivre :
Identifier les besoins :
Chez Partoo, nous avons par exemple sondé chaque équipe pour identifier les pains points principaux et les opportunités. Nous avons notamment demandé aux équipes de nous lister les données les plus critiques qu’il leur manquait, celles qu’ils obtenaient mais avec difficulté, ou encore les données dont ils aimeraient pouvoir disposer dans un monde idéal. Les résultats nous ont servi de base pour savoir où mettre nos efforts.
Prioriser :
Notre équipe Data est pour le moment constituée d’un seul data analyst, même si nous travaillons aussi avec 2 data scientists en freelance. Il nous a donc fallu s’engager sur une roadmap réaliste et prioriser très fortement. Il convient de distinguer les outils BI (tableaux de bord, KPIs macro et reportings) des Product Analytics (dont l’objectif est de mieux comprendre le comportement utilisateur). Il est apparu que nos équipes Sales, Finance, Happiness et Marketing étaient mieux équipés que l’équipe Produit (grâce par exemple à des fonctionnalités disponibles nativement dans Salesforce, Intercom ou encore Hubspot). Même si côté Business Intelligence, les optimisations restent nombreuses, nous partons de moin loin que pour les Product Analytics. C’est donc ce dernier sujet sur lequel nous avons décidé de mettre l’accent en 2020.
Identifier et cartographier toutes les données accessibles :
Une représentation visuelle de votre architecture de la donnée, de la collecte à son exploitation, vous sera très utile. Elle vous permettra d’identifier les intégrations existantes ou manquantes et de définir une stratégie globale. En effet les sources sont multiples et il est probable que vous soyez confrontés à des silos. Chez Partoo, pour prendre quelques exemples, nous avons par exemple de la donnée concernant nos utilisateurs dans Google Analytics, Salesforce, Wootric pour le NPS et JIRA pour les insights utilisateur. Avant de regrouper et normaliser la donnée, une vue d’ensemble est nécessaire.
Lister les fonctionnalités indispensables :
Pour commencer, essayez d’identifier les métriques que vous souhaitez suivre (plan de tracking). Une bonne approche peut être de lister quelques questions business auxquelles vous ne parvenez pas à répondre aujourd’hui. Ensuite croisez ces éléments avec les fonctionnalités proposés par les différents outils du marché : avez-vous besoin de faire de l’analyse de cohortes ? de funnel ? le temps réel est-il critique pour votre business ? un SDK Android/iOS un must-have ? des intégrations avec d’autres outils tiers sont-elles nécessaires ?
Faites une liste de toutes les fonctionnalités qui vous sont utiles. Nous vous recommandons de séparer votre grille de décision en 2 sections : dans le premier les 3 critères clés qui sur lequel vous baserez votre choix ; dans le deuxième les fonctionnalités “nice-to-have”. Cela permet de rendre clair les objectifs principaux et limitera le risque de vous perdre dans la quantité de fonctionnalités proposés par les différents acteurs du marché.
Impliquer son équipe technique :
Il serait fâcheux de se rendre compte que le ou les outils d’Analytics choisis sont inutilisables du fait de pré-requis techniques non couverts. Assurez vous d’avoir une approche globale et de clarifier l’architecture de la donnée, avec votre CTO par exemple.
Être réaliste :
Avez-vous les compétences et ressources en interne pour implémenter un ou plusieurs outils d’Analytics ? Quelqu’un qui pourra documenter un plan de tracking, définir des règles de gouvernance, spécifier des besoins pour votre équipe technique… Si ce n’est pas le cas, il peut être intéressant de s’intéresser au niveau d’accompagnement offert par les différents prestataires dans votre benchmark.
Demander des démos :
Préparez une liste de questions data relatives à votre business et demandez à votre interlocuteur de vous montrer comment vous pourriez y répondre via l’outil vendu. L’exemple reste le meilleur moyen de se faire une idée de la value proposition de chaque outil. On vous recommande vivement de vous mettre en relation avec des startups utilisant l’outil pour obtenir leur retour d’expérience et vous conforter dans votre choix.
Faire un POC :
Chez Partoo, compte tenu des ressources limitées donc nous disposons pour le moment, nous avons choisi de démarrer avec Google Data Studio. GDS a l’avantage d’être gratuit et de pouvoir s’intégrer facilement avec Google Tag Manager, Google Analytics et de nombreuses autres sources de données grâce à différents connecteurs proposés (BigQuery, MySQL, Google Sheets…). GDS propose aussi pas mal de souplesse en terme de dataviz et de customisation. Nous pouvons désormais mieux mesurer le succès de nos produits avec par exemple des tableaux de bord autour de l’usage ou du NPS. Nous ne savons pas encore si GDS répondra à tous nos besoins mais expérimenter l’outil reste le meilleur moyen de se faire une idée avant d’investir plus.
Exemple de dashboard Partoo sur Google Data Studio
Il existe une myriade d’Analytics. Pour en citer quelques uns : Adobe Analytics, Amplitude, Content Square, Chartio, Crazy Egg, Fullstory, Heap, Hotjar, Kiss metrics, Mixpanel, ProfitWell, MixPanel, Tableau, Woopra… Aucun n’est parfait, aucun ne couvrira 100% de vos besoins et aucun ne convient à tout type d’entreprise : seule une approche méthodique et globale sur votre donnée vous permettra de choisir la bonne stack pour la data : de sa collecte à son activation par les équipes.
2. Ne pas négliger la gouvernance des données
Pour finir, intéressons nous à la gouvernance. Le risque d’erreur quand on manipule de la donnée est grand : il peut provenir de la donnée source, de la manière dont elle est manipulée, d’erreurs d’interprétation, de biais dans sa présentation, de bugs techniques, ou encore d’erreurs méthodologiques. Un exemple récent montre à quel point ce sujet est critique : en pleine crise du Covid, le 30 avril dernier, notre gouvernement publiait la première carte du déconfinement. Quelques jours après il admettait des erreurs en reclassant certains département initialement en rouge en vert. Est-ce un problème de compétence ? Probablement pas. Ces erreurs auraient sans doute pu être évitées avec une gouvernance bien organisée pour par exemple se poser la question de la normalisation des données ou encore mettre en place des méthodes de contrôle.
Photo by qubole. com
Tout comme pour notre gouvernement, une fois la confiance dans la donnée rompue, tous vos efforts pour rendre votre organisation data-informed peuvent être réduits à néant.
Quelles questions vous poser ?
- Une stack d’Analytics comporte de multiples dimensions : architecture pour stocker la donnée, gestions des workflows vers le data lake, dissémination de la donnée dans vos différents systèmes, performance, plan de tracking et nomenclature, maintenance, documentation, support aux équipes métier sur les questions data… Déterminer qui est owner de quoi est un pré-requis sans lequel on se retrouve vite avec des incohérences de donnée ou un coût d’entrée élevé pour vos nouvelles recrues, freinant l’adoption et votre culture data.
- A partir d’un certain niveau de maturité et si vos outils sont nombreux, il pourra devenir intéressant de considérer l’embauche d’un data engineer. Construire une stack robuste, brancher vos sources de données au Data lake, implémenter un Data Warehouse, surveiller les fuites de donnée et monitorer ses flux est un métier à temps plein et il est peu probable que vos équipes de développement aient cette bande passante. Par exemple, chez ManoMano une équipe de data engineers est responsable de la qualité et de la disponibilité des données mais aussi de la formation des employés dans sa manipulation.
- Comme évoqué plus haut, nous sommes convaincus que pour tout le monde dans l’entreprise s’approprie cette culture data-informed et éviter tout goulot d’étranglement, il faut décentraliser et donner un maximum d’autonomie. Mais cela ne peut fonctionner qu’avec comme enabler un cadre et des processus clairs :
- formations systématiques pour vos nouvelles recrues.
- mise en place de règles : conventions de naming (par exemple pour les events et propriétés), gestion des droits…
- implémentation d’instances de contrôle : pour créer des tags et les déployer en production par exemple
Le framework de prise de décision en place dans votre organisation sera déterminant dans le succès ou l’échec de votre startup. Seule la data pourra vous révéler certaines vérités et sans elle, il est possible que vous passiez à côté d’énormes opportunités ! Toutefois, la data ne fait pas non plus tout. Combinée efficacement avec des inputs qualitatifs apportés par la user research, l’intuition et un sens du business, elle peut être un outil puissant pour aider à la prise de décision et servir de feedback loop. Chez Partoo, le chemin est encore long mais nous itérons chaque jour pour mettre les Analytics au coeur de notre culture.