Il y a un an, Collective.work annonçait un seed de 7 millions d’euros (un des plus gros tours en Europe). 

Mon expérience en VC (Kerala Ventures) il y a 6 ans et les témoignages plus récents d’entrepreneurs me laissaient penser qu’une levée de fonds peut prendre beaucoup de temps (3 à 6 mois) et défocaliser l’entreprise de son business.

Je voulais à tout prix éviter de tomber dans ce schéma, et ai donc anticipé au maximum pour pouvoir boucler notre levée en un temps “record” : 2 semaines.

Valuation is not equal to success, or even probability of success.YCombinator.

L’objectif de cet article n’est pas de vous faire croire qu’il est facile, nécessaire ou souhaitable de lever des fonds. Mon but est de partager un retour d’expérience transparent dans le but d’aider des entrepreneurs qui souhaiteront, un jour, lever des fonds. 

Vous trouverez une série de conseils vous permettant de bien cadencer et organiser votre levée de fonds. Vous trouverez aussi des écueils à éviter, dans lesquels nous avons pu tomber aussi.  

Je vous partage d’abord la stratégie que nous avons utilisée pour sécuriser notre levée en 2 semaines. Puis, vous retrouverez la data-room de Collective.work, rendue publique après notre annonce. 

I – En amont de la levée de fond : créez des relations

1) Créer des relations le plus tôt possible

Point essentiel : si vous voulez avancer rapidement dans votre levée de fonds, il faut anticiper et créer des relations avec les fonds d’investissement que vous solliciterez le moment venu.

Mettez-vous à la place d’un fonds : il est extrêmement difficile de justifier un investissement quelques jours seulement après avoir rencontré un entrepreneur. 

Vous augmentez vos chances d’obtenir un accord rapide en rencontrant des VC plusieurs mois avant votre levée

La plupart des fonds vous contacteront spontanément si vous affichez le fameux “working on something new” sur LinkedIn. Vous pouvez aussi solliciter des mises en relation auprès de votre réseau.

Attention : l’objectif de ces échanges préliminaires doit plutôt viser à créer une relation et comprendre les attentes de vos futurs investisseurs, plutôt qu’à vous entraîner au grand pitch final. 

Dans notre cas précis, nous avions choisi d’entretenir des relations avec une petite vingtaine de fonds ayant des affinités avec notre stade de développement, marché et modèle. Au lancement de notre levée, nous avions déjà accompli 50% du travail. 

2) Quand accepter ou refuser un échange avec des investisseurs ?

Quand on débute, la tentation de discuter avec tous les investisseurs se fait sentir : la plupart sont très sympathiques, partagent des retours enthousiasmants et vous assurent qu’ils seront “très intéressés” par un investissement potentiel au moment venu. 

Il apparaît néanmoins nécessaire de prioriser les discussions. Ces échanges peuvent prendre du temps, qui sera mieux investi si vous vous focalisez sur votre produit, vos équipes, vos clients. 

Refuser un échange ne sera jamais mal perçu. Au contraire, cela peut être interprété de manière positive : vous êtes concentré sur l’essentiel, vous mettez un point d’honneur à faire avancer votre produit.  

Je conseillerais de refuser poliment bien sûr, si :

  • Votre idée est encore expérimentale (et peut-être sujette à évoluer significativement) 
  • Vous avez une offre ou un produit définis, mais ne les avez pas encore éprouvés
  • Vous n’avez pas accompli de progrès tangibles depuis le dernier échange

À l’inverse, je recommanderais d’accepter l’échange quand :

  • Vous hésitez entre plusieurs idées et souhaitez avoir l’avis d’un investisseur
  • Vous avez une preuve financière d’intérêt (clients ou lettres d’intention)
  • Vous avez bien évolué (fonctionnalités, modèle, segment de marché,…)

Pour refuser poliment, l’entrepreneur peut user de tournures positives, comme : 

“Bonjour et enchanté X, 

Ravi d’échanger dans 2-3 mois plutôt. D’ici-là, nous sommes focalisés à 100% sur notre go-to-market et la construction du produit.

Est-ce que ça te va si on prévoit un appel au prochain trimestre ?”

3) Comment entretenir la relation ?

Une fois que vous avez eu un premier contact avec un VC, il vous faut entretenir la relation et créer de la confiance.

Pour cela, je vous déconseille de prendre plus d’un appel par trimestre avec un même fonds : faites-vous rares, attendez de pouvoir partager des progrès significatifs.

Si l’on vous pose la question : vous n’êtes PAS en train de lever des fonds. Vous attendez le bon moment et souhaitez rester focalisés sur le business (ou le produit) pour l’instant.

Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas glisser des updates réguliers. Les moments intéressants à partager (sur Whatsapp ou par email) :

  • Signature d’un premier client
  • Sortie de votre MVP
  • Augmentation de 100%+ de votre nombre d’utilisateurs sur un mois 

Les fonds apprécieront ces messages proactifs, et ça ne vous coûtera pas grand chose. 

Dans notre cas précis, nous avions construit une relation régulière avec 15-20 fonds (3-5 échanges sur la vision, les grandes nouvelles, les attentes des investisseurs). Le jour où  nous avons démarré notre levée, ils avaient déjà une bonne partie du contexte marché, produit, ce qui nous a permis d’avoir d’emblée des discussions constructives.  

Ce qui nous amène au point suivant : comment s’assurer d’organiser sa levée pour tirer profit des meilleures conditions ? 

II – Créer du momentum lors de la levée

1) Pourquoi créer du momentum ?

Pour augmenter vos chances de lever des fonds rapidement, il va falloir créer un peu de FOMO (fear of missing out) chez les investisseurs. 

Recontactez tous les fonds avec lesquels vous avez eu des contacts et annoncez que vous lancez votre roadshow : “On démarre notre levée de fonds lundi prochain, est-ce que vous êtes intéressés pour en discuter ?

Cette approche vous permet d’imposer une bonne cadence dans les échanges, en vous assurant que le temps est entre vos mains. Vous éludez ainsi l’incertitude et le risque d’entrer dans une levée qui va durer plusieurs mois.

Si vous n’obtenez pas de propositions formelles, vous pourrez toujours relancer le roadshow 1 ou 2 trimestres plus tard. Dans tous les cas, vous aurez gagné du temps.

Dans notre cas précis, nous avions même explicité l’intention de finaliser notre roadshow en 15 jours. La levée avait une date de début, une date de fin (espérée). Ca permet de gagner en clarté, pour vous, vos équipes,…

2) Comment organiser sa levée ?

En amont du roadshow, assurez-vous de préparer tous les documents et analyses dont vous aurez besoin (on reviendra sur la data-room en partie 3). Avant de vous lancer avec les fonds, testez et peaufiner votre pitch auprès d’entrepreneurs chevronnés dans l’exercice, ou  Business Angels impliqués dans l’écosystème start-up. La plupart sont très accessibles !

Si vous faites mouche, vous gagnerez même habilement quelques intentions de Business Angels, qui vous introduiront rapidement à d’autres pairs. 

Idéalement, vous pouvez même démarrer votre roadshow officiel avec les fonds d’investissement en ayant 10 à 25% du montant cible de votre levée sécurisé via des Business Angels ou des family offices (qui investissent des tickets entre 30 et 150k€). Cela vous donnera un levier supplémentaire, tout en renvoyant un signal positif.

Pour garder une bonne cadence dans vos échanges, vous pouvez même organiser deux à trois  “groupes” de fonds ; chacun des groupes incluant (i) 2-3 fonds avec lesquels vous avez de bonnes relations, (ii) 3-5 fonds avec lesquels vous avez des relations plus distantes.

Centralisez les meetings avec le même groupe sur une période de 2 semaines. Puis réitérez l’exercice avec le deuxième et le troisième groupe. Cela vous permettra de toujours avoir des fonds ayant de fortes chances d’investir.

Donnez un timing clair à vos interlocuteurs : “On choisit de discuter avec plusieurs fonds sur les 3 prochaines semaines. On souhaite finaliser la levée sur cette période pour pouvoir revenir à l’exécution le plus rapidement possible. On aimerait donc avoir une réponse d’ici 2 à 3 semaines.

Avec un roadshow bien organisé, vous maximisez vos chances de finaliser rapidement. Si vous optez pour cette stratégie, il existe néanmoins quelques erreurs à ne pas commettre (nous sommes naturellement tombés dans certaines d’entre elles).

3) Quelles sont les erreurs à éviter ?

Erreur 1 : imposer des échéances trop serrées dans le feu de l’action.

Ne mettez pas les fonds sous pression avec des deadlines inférieure à 5 jours : pour la plupart d’entre eux, il sera impossible de se positionner si rapidement. Vous risquez d’obtenir des “non” du fait d’un timing trop serré. Même si de premières propositions semblent vous mettre sous pression, ne la répercutez pas sur d’autres fonds.  

À l’inverse, il ne faut pas non plus donner trop de temps : cela ne renvoie pas un bon signal, et ce sera extenuant pour vous (nombreuses relances à prévoir, temps perdu). La plupart des fonds sont capables de se positionner en 2 semaines (si vous avez créé une relation avec eux en amont). 

Erreur 2 : fixer des conditions en dehors des standards du marché

Dans un premier temps, demandez des conditions (valorisation et dilution) qui correspondent aux standards actuels du marché. Si vous obtenez plusieurs term-sheet, vous serez alors en mesure de négocier une valorisation plus élevée et/ou une dilution plus faible. 

À l’inverse, revoir à la baisse sa valorisation renverra un très mauvais signal, et pourrait vous coûter votre levée. 

Une approche intéressante, c’est d’exprimer un montant minimum. Si vos interlocuteurs sont particulièrement intéressés, ils sauront vous adresser une proposition plus attractive.  

Erreur 3 : promettre une place à de trop nombreux BA

Problème de riche : quand vous obtenez un “oui” d’un Business Angel, il est souvent suivi d’une intro à 2 ou 3 autres personnes de son réseau.

Très vite, vous pouvez vous retrouver dans une situation où vous acceptez trop de tickets. Vous devrez alors choisir parmi les BA, imposer des tickets plus faibles et créer de nombreux déçus. Dans 

Dès que vous avez sécurisé 10% de votre montant cible, ne donnez plus de certitude sur la possibilité de souscrire au tour.

Maintenant que vous avez les clés de la stratégie de levée de fonds, voyons ensemble quels sont les documents à présenter dans sa data-room.

Je ne reviens pas sur le pitch-deck, car c’est un sujet qui a été abordé de nombreuses fois !

II – Préparer une dataroom

🎁 Vous pouvez retrouver la data-room officielle de Collective.work ici

C’est un exercice important car c’est votre data-room qui va vous permettre d’obtenir des réponses rapides de la part des fonds. Celle-ci doit centraliser les réponses à toutes leurs questions pour leur permettre de décider le plus vite possible.

1) Quels sont les objectifs d’une data-room ?

Il y a deux objectifs : 

  1. Centraliser toutes les informations dont les fonds auront besoin pour prendre leur décision à la suite d’un meeting
  2. Rassurer sur votre niveau de professionnalisme

Attention : le niveau de qualité que vous aurez à proposer dépendra fortement de la maturité de votre start-up au moment du seed.

Collective.work avait 9 mois au moment du roadshow, le niveau d’exigence est donc important mais moins élevé que pour une start-up qui aurait 18 à 30 mois d’historique au moment de son seed.

2) Quelles sont les infos à regrouper ?

Les informations stratégiques (vision, problème, solution) doivent être centralisées dans votre deck de levée. Il n’est pas nécessaire de les inclure à nouveau dans la data-room.

La data-room doit regrouper ce qui n’est pas présent dans le deck :

  1. Go-to-market : Résumé des key metrics, historique financier, plan go-to-market.
  2. Produit : Roadmap, choix techniques, démo.
  3. Marché : analyses de marché, analyses approfondies sur les concurrents.
  4. Réassurance : Témoignages clients, articles de presse…
  5. Équipe : présentation des membres et de la culture.

Il est probable que certains fonds vous posent des questions au fur et à mesure : ajoutez les réponses au sein d’une section FAQ pour les suivants.

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Vous avez désormais toutes les clés pour (1) anticiper votre levée de fonds, (2) créer du momentum pour augmenter vos chances de closer rapidement et (3) préparer une data-room qui vous fera gagner du temps. 

Une fois votre levée est bien ficelée, l’enjeu sera de faire le bon choix d’investisseur. Contrairement à ce qu’on peut imaginer, ce n’est pas si évident qu’il n’y paraît !

Si vous avez besoin de conseils à ce sujet, n’hésitez pas à me contacter directement sur LinkedIn !