Les différentes instances de gouvernance en start-up
Se lancer dans un article sur ce vaste sujet n’est pas facile car la gouvernance est paradoxalement un domaine très théorique. La littérature existante sur ce sujet est aussi très orientée vers des entreprises établies et non des « start-ups » en croissance.
Les organes de gouvernances prennent aussi des milliers de noms différents et dépendent parfois des formes juridiques – ce qui n’est pas le sujet de cet article, je vous rassure ! Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est cependant important de reprendre quelques bases, que nous allons voir en introduction. Puis nous regarderons une par une les différentes instances de gouvernances classiques en start-ups, en prenant soin de rester concrets et d’illustrer chaque idée avec des exemples réels.
Tout d’abord, rappelons que le terme « Executive » est synonyme d’opérationnel. On pourra donc distinguer les instances opérationnelles (composées uniquement d’exécutifs comme le COMEX), des instances non opérationnelles comme l’Advisory Board, à la fois composé de Business Angels (BA), de fonds de VCs, d’exécutifs et parfois d’externes. Mais pourquoi utilise t’on le terme d’Advisory Board ?
Du Conseil d’Administration à l’Advisory Board :
Dans les sociétés traditionnelles on a l’habitude de trouver :
- Soit des « Conseils d’Administration » dont le rôle est de prendre les décisions de gestion de la société et de charger le Directeur général de les mettre en exécution.
- Soit des « Conseils de Surveillance » dont le rôle est de contrôler le travail du président et du ou des directeurs généraux (dans les SAS) ou du directoire dans les SA.
En opposition à ces termes très connotés, les start-ups préfèrent le terme de « Comité Stratégique ». Ce comité, ou Board en anglais est « un organe consultatif dont la mission est d’accompagner le ou les dirigeants dans le pilotage stratégique de sa société ». Il n’intervient pas dans la gestion courante de la société.
Ainsi en start-up on parlera rarement de « Conseil d’administration » mais plutôt de « Comité Stratégique » ou « Advisory Board » en anglais. J’espère que vous y voyez déjà un peu plus clair 😅
Les 4 grands instances à avoir en tête :
Outre l’Advisory Board, il existe aussi 3 grandes instances opérationnelles que nous allons étudier plus en détails dans cet article :
- Le Comité Exécutif (COMEX), ou Executive Committee, en charge des décisions stratégiques et généralement composé de 4 à 8 C-level (CTO, CEO, CFO, etc)
- Le Comité de Direction (CODIR) ou Board of Directors, en charge de faire collaborer les personnes clés de l’entreprise et de permettre le débat – composé de 10 à 15 membres. A noter que certains parlent juste de « Board », mais il est indispensable de bien distinguer l’Advisory Board et le CODIR qui n’ont absolument pas le même rôle ni la même composition.
- Le Management Committee, plus large et souvent composé d’une vingtaine de managers, il leur permet notamment d’échanger sur les OKR (voir article sur le sujet), les enjeux de management et remonter certaines problématiques opérationnelles.
Dans la grande majorité des cas, les membres du COMEX sont au CODIR et les membre du CODIR sont au Management Committee. Regardons maintenant une par une chaque instance de gouvernance, à commencer par le plus complexe : l’Advisory Board !
En parallèle de cet article, n’hésitez pas à écouter cet épisode du podcast de Tribes dans lequel Nicolas Lemeteyer partage ses conseils sur la mise en place des organes de décision en startup :
I) Advisory Board : le suivi des orientations stratégiques
Composition de l’Advisory Board
L’Advisory Board est souvent considéré comme l’instance stratégique la plus importante d’une start-up ; c’est aussi l’instance la plus complexe à composer et dont la structure dépendra fortement du niveau de maturité de la société. De manière très classique, un Advisory Board sera souvent composé de 3 à 7 personnes et inclura généralement 2 co-fondateurs, des BAs, des VCs et éventuellement des conseillers externes.
Jusqu’à 40 collaborateurs au sein de Partoo, notre Advisory Board était composé de 3 personnes à savoir Thibault Levi-Martin (fondateur) et moi-même (co-CEO) ainsi que notre premier BA, Olivier Vaury – dont l’expérience en tant que CFO d’Amazon nous a beaucoup apporté. Aujourd’hui, la structure de notre actionnariat a évolué et nos BAs ont été remplacés par un investisseur institutionnel : Webedia.
Le passage d’un Advisory Board structuré autour de BAs vers une composition incluant des VCs ou des investisseurs institutionnels est une tendance commune à beaucoup de start-ups. Notre Board comprend donc aujourd’hui deux CEO et 3 représentants de Webedia : sa Présidente Véronique Moralli, son DG Cédric Ciret et son CPO Antoine Hermite
Si l’on regarde d’autres start-ups de tailles similaires comme Hivency ou Wedoogift, la structure est exactement la même : deux C-level et 3 représentants des investisseurs institutionnels !
En général, les Advisory Boards des start-ups françaises se réunissent quelques heures par mois ou par trimestre en fonction de la disponibilité des participants et de leur degré d’implication.
Évolution du rôle de l’Advisory Board
Dans un rapport de 2019, KPMG a estimé à 4 le nombre moyen de membres au sein des Advisory Boards en start-ups. Cependant, comme nous l’avons vu, la taille et la structure d’un Board évolue avec le temps, ceci ayant différents impacts.
Tout d’abord on observe généralement un continuum entre les Boards ‘founder-controlled’ et les Boards ‘investor-controlled’. Cette évolution est notamment la conséquence des tours de financements successifs, permettant aux acteurs financiers d’augmenter leur part au capital de la société, et par voie de conséquence, leurs droits de vote.
Parallèlement, il peut être intéressant d’analyser cette évolution de la composition d’un Board au regard des théories relatives aux systèmes de gouvernance, notamment via deux courants principaux : un courant « coercitif » et plus récemment, un courant « cognitif » (Wirtz, 2008). Pour les adeptes des frameworks, vous trouverez ci-dessous un schéma résumant ces deux courants au sein des « Théories de la firme »
Source : Tarillon (2014).
Dans la perspective « cognitive » – qui s’oppose à la perspective « coercitive » – « il est possible d’admettre que certains mécanismes de gouvernance peuvent jouer un rôle qui, loin de contraindre le dirigeant de façon unilatérale en lui imposant une discipline financière étroite, lui permettent d’agir comme un levier à l’appui de son action » (Wirtz, 2008, p. 6).
Cette opposition peut être mise en relation avec l’évolution de l’Advisory Board : le remplacement des BAs par des fonds de VCs et le changement de contrôle (fondateurs vs. investisseurs) aura ainsi tendance à faire évoluer la gouvernance cognitive (conseils) vers une gouvernance plus coercitive (contraintes).
Source : adapté de Wirtz (2011, p. 11).
II) Comex, le comité exécutif
Le COMEX ou Executive Committee est l’instance de gouvernance en charge des décisions stratégiques & opérationnelles ! Il s’appuie sur les recommandations de l’Advisory Board et les retours des équipes pour allouer les ressources, structurer la société ou prendre des décisions courantes.
Que ce soit chez Partoo, Hivency ou Wedoogift, le COMEX se réuni toutes les semaines, souvent de manière informelle. Deux objectifs sont souvent recherchés par ces réunions régulières :
- Tout d’abord prendre des décisions rapides (de manière « agile » pour reprendre un terme à la mode) et aligner tout le monde sur les sujets stratégiques
- C’est aussi l’occasion de créer une vraie cohésion entre les membres du COMEX via des échanges réguliers. Chez Partoo, cette volonté est notamment liée au concept de « First Team » qui suppose que même si les membres du COMEX passent 90% de leur temps avec les équipes opérationnelles, ils ne doivent pas oublier que leur premier cercle de cohésion doit rester cette instance de gouvernance
Chez Partoo, le COMEX est donc composé de 6 membres : les 3 C-levels en charge des 3 départements métiers de Partoo (Tech, Growth, Customer Happiness), le CFO ainsi que les deux CEOs. Certaines startups comme Wedoogift mettent aussi en place des COMEX à géométrie variable, composés de membres permanents (CEO / COO) et d’invités spécifiques en fonction des sujets à arbitrer (ex. CFO, CMO, CTO, CPO, HR…)
III) Codir, ou Board of Directors
Le Comité de Direction (souvent appelé CODIR) est l’autre « Board » – à bien distinguer de l’Advisory Board. C’est un organe de collaboration et de débats. Il permet notamment au Comex de valider certaines décisions en prenant en compte l’avis des collaborateurs clés de l’entreprise. Outre les managers des équipes les plus larges au sein de Partoo, nous y avons aussi inclus certains actionnaires opérationnels historiques.
Le CODIR peut avoir différents rôles en fonction des start-ups interrogées, comme par exemple :
- Donner la parole aux collaborateurs clés
- Co-construire les objectifs de la société
- Traiter toutes les dépendances entre les pôles
- Débattre des sujets épineux
- Etc.
Lors de la crise du Covid, nous avons aussi beaucoup utilisé le Board de Partoo comme un relais de communication auprès des équipes. Nous avons ainsi mis en place des Boards hebdomadaires, dont la fréquence n’a finalement pas évolué depuis un an.
A noter que si aucun sujet n’a été proposé à l’ordre du jour, le Board hebdo de Partoo est annulé. D’autres start-ups préfèrent mettre en place des systèmes de Q&A qui peuvent être traitées de manière asynchrone mais dont les débats plus structurants se font ensuite à l’oral.
De retours d’expériences, un des facteurs clés de succès de cette instance de gouvernance semble être le nombre limité de participants. Il est en effet important de permettre à chacun de prendre la parole lors de débats par exemple. En moyenne, les CODIR en start-ups sont donc généralement composés de 8 à 15 collaborateurs.
IV) Management Committee
Au fur et à mesure que la société croit, le nombre de managers augmente mécaniquement et il devient important de bien distinguer le Board et le Management Committee. C’est ce que nous avons fait chez Partoo à partir de 50 collaborateurs ; nous avons d’ailleurs retrouvé des structures similaires au sein de nombreuses start-ups de notre taille.
Le Management Comittee est finalement l’assemblée de tous les managers. Chez Partoo, cette instance composée de 25 managers est notamment chargée de définir les OKR des équipes et de les revoir lors des réunions OKRs trimestrielles. C’est aussi un organe d’échanges sur les problématiques managériales et un moyen de remonter les sujets opérationnels des équipes.
La mise en place d’instances de gouvernance apporte son lot de questions et il devient rapidement indispensable de formaliser le rôle et la composition de chacune d’entre elles. Viennent ensuite se greffer des sujets liés à l’entrée et à la sortie de certains membres au sein de chaque instances – chez Partoo, l’entrée au Board ou au Management Comittee se fait par exemple sur vote du COMEX à l’unanimité.
Si cet article vous évoque d’autres questions opérationnelles, n’hésitez pas à les poser dans la section « commentaires » sous l’article afin d’alimenter le débat ! C’est aussi le bon endroit pour compléter cet article en détaillant la composition de vos instances de gouvernance et les bonnes pratiques mises en place.
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