Note pour le lecteur : cet article date d’octobre 2020. Si le sujet de l’autofinancement vous intéresse, n’hésitez pas à lire le dernier article en date sur les sujets de valo, d’autofinancement et de crise que traverse en 2023, l’écosystème tech & startup.
L’autofinancement : un mode de développement à la mode ?
Un retour d’expérience
Depuis plusieurs mois, je vois passer de plus en plus de postes LinkedIn d’entrepreneurs qui expliquent en quoi lever de l’argent n’a pas toujours été bénéfique pour leur start-up. D’autres affirment que l’autofinancement est la voix royale et racontent comment ils ont réussi à développer leur société en totale indépendance.
L’expérience que nous avons chez Partoo me permet d’avoir un certain recul sur le sujet. En effet, notre business SaaS B2B génère un ARR de plus de 6M€, pour un besoin en financement total depuis la création de la société il y’a 6 ans de 500k€ – en dette principalement.
On peut donc parler de quasi-autofinancement quand la majorité des start-ups qui dépassent les 5M€ d’ARR lèvent entre 5 et 50M€. A noter que le terme anglais associé à « l’autofinancement » est souvent « bootstrapped ».
Avantages et inconvénients
L’objectif de cet article n’est pas de parler de comment développer son business sans lever – sujet sur lequel j’avais écrit en 2018 – mais plutôt de lister les avantages et les inconvénients de ce type de développement pour permettre à chacun de faire son choix en toute connaissance de causes.
Ce premier article porte sur les 4 avantages de l’autofinancement, un deuxième porte sur les 4 inconvénients
Les 4 avantages de l’autofinancement
1. La frugalité comme état d’esprit
La frugalité – état de fait en autofinancement – a pour moi 4 avantages. Cela vous permet généralement de :
- Ne dépenser votre argent que pour des choses utiles
- Maximiser la valeur de chaque investissement
- Mieux négocier les prix de vos fournisseurs
- Favoriser l’innovation !
a. Dépenser votre argent pour des choses utiles
En étant autofinancé vous ne payerez que pour des choses que vous allez utiliser ! Cela peut être des ressources humaines, des bureaux ou encore des logiciels…
Le premier exemple est celui des employés. En étant auto-financé, vous ne recruterez que sur des postes où il y’a du travail. L’inverse peut paraitre étrange mais c’est une réalité que j’ai découvert de la bouche de nombreux candidats en poste dans d’autres sociétés.
La même chose arrive souvent pour les logiciels. Beaucoup de start-up achètent encore aujourd’hui des logiciels gadgets qu’ils n’utilisent parfois pas du tout. Chez Partoo, si un employé pousse pour l’achat d’une solution dont l’utilité ne fait pas l’unanimité, il doit le mettre en place dans son équipe : au bout de 6 mois, si le logiciel est utilisé on le déploie, dans le cas inverse, on arrête tout.
b. Maximiser la valeur de chaque investissement
Il existe 4 types de sous-utilisation d’un investissement :
- L’adoption est très faible – peu de personnes l’utilisent
- L’usage est très faible – les gens l’utilisent peu
- L’usage est incomplet – certaines fonctionnalités sont inutilisées
- L’usage est redondant – deux investissements pour un seul besoin
Ce framework – que je viens de formaliser par écrit mais qui est implicite dans chaque décision que nous prenons – peut s’appliquer à tout investissement. Pour le cas des logiciels, il est évident : l’usage incomplet de Salesforce est une réalité dans 80% des start-ups (y compris Partoo), mais c’est cependant moins le cas dans les sociétés autofinancées qui cherchent à maximiser l’investissement que Salesforce représente !
Chez Partoo nous avons donc commencé sur Pipedrive puis quand nous avons convenu que le timing était opportun nous sommes passés sur Salesforce et y avons accordé du temps pour en tirer le maximum et le mettre en place sur le long terme – sans intégrateur bien entendu.
Pour les bureaux c’est la même chose : si vous avez des personnes en full-remote, l’adoption est plus faible, si vous mettez en place le télétravail, l’usage diminue, si vous intégrez une salle de yoga / ping-pong / baby-foot inutilisée, l’usage est incomplet etc.
La maximisation de chaque investissement s’applique aussi à l’internalisation vs. l’externalisation de compétences clés, sujet qui mériterait un article à part entière. J’ai observé depuis quelques années que plus une start-up lève d’argent, plus elle externalise certains aspects clés de sa stratégie (product, finance, mentoring, ops, RH, paramétrage de solutions…) : en tant que start-up auto-financée vous aurez tendance à vouloir internaliser pour maximiser vos investissements sur le long terme, ce qui est selon moi un véritable avantage pour scaler.
c. Mieux négocier les prix de vos fournisseurs
Faire attention à quelques milliers d’euros à vos débuts peut paraitre inutile et même passer pour de la radinerie. Cependant ces petites économies de vos débuts représenteront de grosses économies à long terme. Cela concerne aussi bien les prestations externes, les fournisseurs de logiciels, que les bureaux.
Imaginez que vous souhaitiez souscrire à 10 licences pour un nouvel outil à 50€ / mois (budget annuel de 6000€). Une société autofinancée aura comme premier réflexe de vouloir négocier ce prix, s’agissant d’une dépense importante. Au contraire une société ayant récemment levée de l’argent acceptera la dépense sans siller : que représente 6000€ quand on a levé 2M€ ? Réciproquement, quand vous êtes autofinancés et que vous le précisez, on vous accordera des prix avantageux tout en sachant très bien que vous ne bluffez pas et que vous avez de grandes chances de partir avec un prestataire moins cher !
3 ans plus tard, avec 200 licences, ce même outil représentera 120 000€ de dépense annuelle et vous n’aurez plus aucun pouvoir de négociation ! Quand on voit le budget licence d’une start-up, ce sont des montants à prendre en considération dès le début.
Mais que représentent 120k€ quand on vient de lever 120M€ ? C’est là le vrai sujet : lorsqu’on décide de lever, on rentre dans un nouveau mode de développement, on change de train de vie. Comme lorsque vous acceptez un travail très bien payé et vous vous habituez à un certain standing, un retour en arrière est quasi-impossible.
La question n’est donc jamais « est-ce que je choisi d’être auto-financé ou de lever ? » mais plutôt « quel est le meilleur stade de développement pour ma société pour accélérer via des financements externes ? »
Certains titres journalistiques lors de la levée de fonds de Toucan Toco de 8m€ en Novembre 2019 portaient selon moi à confusion : « Toucan Toco cède au financements privés ». Il ne s’agit en aucun cas de « céder » ou d’avouer l’échec d’une stratégie d’autofinancement mais au contraire d’un choix d’accélération pour financer un projet de croissance ambitieux (ici aux États-Unis) que l’autofinancement n’aurait pu permettre.
d. Favoriser l’innovation
L’idée selon laquelle la « frugalité » amène l’innovation vient entre autres de Jeff Bezos qui l’a popularisé via Amazon : « I think frugality drives innovation, just like other constraints do. One of the only ways to get out of a tight box is to invent your way out. » Le “Frugality leadership principle” est même un principe testé dans les entretiens de candidat postulant chez Amazon, car plus qu’une idée c’est un état d’esprit recherché.
Même concept pour Ingvar Kamprad d’Ikéa connu pour être très avare – milliardaire conduisant une vovlo vieille de 20 ans en fin de carrière- ou les frères Macdonald qui ont développé McDonald’s sur une contrainte de temps, en inventant ainsi le fast-food – à ce sujet je vous conseille le film the Founder sur l’histoire de MacDonald’s. Cette même idée est d’ailleurs aujourd’hui reprise par certains grands groupes pour favoriser « l’innovation frugales » dans les pays en développement. En tant que start-up autofinancée vous aurez des contraintes de temps, d’argent et d’outils qui vous amèneront à innover et à être plus agiles que vos concurrents !
Chez Partoo, ne pouvant nous permettre des interventions onéreuses dans certains salons B2B – sur lesquelles se positionnent nos concurrents – nous avons cherché d’autres moyens d’être visibles : les webinars, le co-marketing avec des partenaires, l’organisation de nos propres évènements, petit déjeuner, le contenu, etc.
Nous avons parfois développé nos propres outils (ex. le Wiki Partoo), nos propres méthodes de vente, nos évènements de formations internes, etc
2. Focus sur le business
J’ai tendance à penser qu’être auto-financé vous permettra de passer plus de temps à développer votre business. Au contraire, lever de l’argent pourra vous détourner de l’essentiel avant, pendant et après votre closing.
Avant : Développer votre business ou pitcher votre idée ?
Beaucoup d’entrepreneurs pensent que bien pitcher sa start-up est le premier pas pour développer un vrai business… Selon moi, ce n’est pas le cas.
Quand j’ai lancé SoGuide, ma première start-up, en sortie d’école, j’ai passé des journées entières à pitcher le projet auprès de profs, d’investisseurs ou d’amis. Ma présentation était parfaite, l’idée était rodée. C’était ma manière de lancer un projet, celle qu’on m’avait enseignée en école.
Puis j’ai rejoint Partoo. Lors de mon process de recrutement, Thibault Levi Martin (le fondateur) m’a envoyé un deck dont je me rappellerai longtemps. Les éléments n’étaient pas alignés, la police changeait d’une slide à l’autre, les logos étaient pixélisés, le cauchemar de tout consultant. Et pourtant en slide 2, la présentation faisait état d’un ARR de 400k€ et d’une trentaine de clients fidèles !
Voilà l’état d’esprit qui m’a séduit dans l’approche auto-financée : ce mode de développement vous permettra de vous focaliser sur l’opérationnel est non sur la théorie, sur le réel en non sur l’image.
Pendant : Opérationnel vs. levée de fonds
Au bout de trois ans de développement, nous avons décidé d’enfin répondre aux messages de potentiels investisseurs. Et nous n’avons clairement pas fait les choses de la bonne manière – en tout cas d’une manière qui n’était pas adaptée aux codes des VCs.
Une des erreurs que nous avons faite est de ne pas y accorder assez de temps. Quand vous décidez de lever de l’argent, accordez-y tout votre temps pendant une courte période et non une partie de votre temps sur une longue période. Je regrette ainsi de ne pas avoir suivi les conseils du CEO d’Alan sur son tour de Seed de 12 M€ en 2016 – montant plus proche d’une série A :
- Avoir un timing clair en tête et aligner tous les actionnaires dessus.
- Avoir des réponses rapidement : il vaut mieux un “non” rapide (et il y en aura) que faire traîner le process
- Bien réfléchir au montant que je lève et les implications
L’intérêt d’une levée de fonds rapide est de susciter l’intérêt des investisseurs et faire « monter les enchères ». Le timing est clé, car les LOI ont des deadlines et il est indispensable d’en recevoir plusieurs en même temps pour faire facilement votre choix. Une autre erreur à ne pas commettre est aussi de ne pas exactement savoir le montant que vous recherchez. Votre pitch doit être clair : « je cherche xM€ pour faire ça, ça et ça ! »
Enfin, il est important de savoir mettre de côté l’opérationnel à 100% pendant cette période. Faire les deux en même temps est juste impossible. Il m’est arrivé plusieurs fois de faire seul certains premiers rendez-vous avec des fonds de VCs : le fait que le fondateur gère l’opérationnel et ne soit pas venu a alors été pris pour un manque de sérieux et notre projet a vite été mis de côté.
Après : Reportings & KPIs
Enfin, le manque de focus business peut arriver post-levée.
Notre politique sur les KPIs est la suivante : ils doivent être simples, limités en nombre et facilement mesurables. Il n’y a pas d’utilité à mesurer un CAC quand vous avez 5 clients… Les KPIs doivent surtout être adaptés à votre stade de développement.
Nous avons toujours eu la même approche sur le temps à accorder aux KPI : « 20% à mesurer, 80% à améliorer – et non l’inverse ». Si nous devions conserver qu’un seul KPI, ce serait l’ARR (Annual Recuring Revenu) : c’est le KPI qui m’a été présenté par Thibault en Octobre 2016, c’est le KPI que je présente encore aujourd’hui aux candidat.
Faire des reportings représente un temps précieux qu’il est préférable d’accorder à son business. Même si nous continuons à passer peu de temps à présenter nos reportings à notre actionnaire Webedia, nous y passons toujours 10 fois plus de temps que lorsque nous étions 100% indépendants.
3. Développer une vraie culture
Prendre du temps pour définir ses valeurs
Définir ses valeurs est sans doute une des choses les plus importantes au début d’un projet entrepreneurial : cela détermine le type de personnes que l’on recrute, l’approche que l’on a du milieu professionnel, les interactions entre les employés, le type de management, tout.
En étant autofinancé, vous pourrez consacrer du temps à ces fondations car vous aurez une croissance plus faible les premières années. Attention, cela ne veut pas dire que lever de l’argent vous empêchera de définir clairement vos valeurs ! C’est juste que vous aurez sans doute moins de bande passante pour y accorder l’attention que cela mérite.
Benoit & Thibault, les fondateurs de Partoo, ont très tôt définis nos valeurs. Nous avons ensuite suivi les conseils de notre premiers BA – Olivier Vaury, CFO de ManoMano – pour affiner ces valeurs, rédiger un manifeste et mettre en place des rituels ou références. Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, voici un article Tribes que j’ai rédigé sur l’importance de la culture en start-up.
Éviter la culture de la croissance
Il y’a un peu plus de deux ans, Partoo a traversé une phase très difficile : nous avions accumulé une certaine dette technique, devions scaler notre équipe de relation client et rencontrions une concurrence plus importante.
Un matin, Thibault LM a décidé de réunir les 30 collaborateurs de Partoo dans une salle. On a ouvert du champagne (mousseux) et on a trinqué à la galère ! Sur le moment j’ai trouvé ça un peu trop ; mais avec le recul c’est un de mes moments les plus marquants de ces quatre dernières années : nous étions vraiment à bout. On s’est tous dit qu’on s’en rappellerait plus tard, quand tout irait mieux ! Et c’est le cas.
Très peu de personnes sont parties de Partoo durant cette période et ce n’était clairement pas la « belle vie ». En tant que Start-up, il me semble important de se poser régulièrement la question suivante : que se passe t’il si ma croissance s’affaiblit ? Toutes les équipes partiront-elles ? Certains collaborateurs resteront-ils pour le projet et pour les gens ?
La culture est finalement ce qui fait la force d’une entreprise dans les périodes difficiles – comme c’est le cas pendant la période de crise actuelle. Céline, notre DRH a d’ailleurs contribué à Tribes avec un article sur comment maintenir la cohésion en période de crise.
Si vous êtes autofinancés vous aurez de grandes chances de passer par ce type de phases et vous serez donc obligés de construire une culture forte pour survivre – bien sûr, cela pourra aussi vous arriver si vous levez. Développer toute sa culture autour de la croissance ne fonctionnera jamais sur le long terme et c’est un des risques de lever des gros montants au tout début d’une aventure entrepreneuriale.
Recruter sagement préservera votre culture
Par la suite une croissance mesurée des équipes préservera ces fondations que sont vos valeurs et votre culture d’entreprise. Cela permet de plus facilement intégrer les nouvelles recrues en conservant une vraie cohésion.
Chez Partoo, nous essayons de ne jamais doubler une équipe en moins de 6 mois car c’est un trop gros challenge d’intégration. Recruter trop vite peut créer des « esprits de cohorte » en fonction de la date d’arrivée.
A chaque séminaire, nous observons que les « nouveaux » arrivants ont tendance à se regrouper de la même manière que le font les « anciens », qui se connaissent depuis longtemps. L’enjeu est que 6 mois plus tard, les affinités et la cohésion entre les collaborateurs dépendent le moins possible de la date d’arrivée ou même de l’équipe. C’est un enjeu de taille qui s’accentue lorsqu’on s’internationalise par exemple.
Un autre danger lié à une trop forte croissance des équipes est la qualité des recrutements. Si vous devez recruter 50 personnes en 3 mois, vous serez obligés de faire certaines concessions ou impasses sur la qualité.
Le plus important est de définir certaines grandes idées (« chercher des missionnaires et non des mercenaires » chez Partoo) et d’identifier des traits de caractères à rechercher chez les candidats en rapport avec vos valeurs – curiosité, empathie et fun en ce qui nous concerne.
Recruter des collaborateurs avec un esprit entrepreneurial
Un dernier point important est sans doute le type de personnes qui rejoignent les start-ups autofinancée et leur rôle structurant sur le long terme.
Il n’y a pas à s’en cacher, une start-up autofinancée paiera des salaires beaucoup plus faibles ses premières années qu’une start-up ayant levée 10M€. Au contraire, elle offrira à ses premiers employés, des perspectives de développement plus intéressantes en privilégiant la promotion interne aux recrutements externes plus seniors. Tout cela favorise le recrutement de profils entrepreneuriaux : ces derniers valoriseront le « potentiel » d’un poste plus que salaire, le long terme plus que le court terme.
Dire que les salaires sont plus faibles, n’est d’ailleurs pas tout à fait vrai. Deux éléments permettent de contrebalancer cette réalité : les actions à prix d’exercice plus faible et les variables. Le sujet des variables est d’ailleurs assez symbolique de l’état d’esprit d’une start-up auto-financée. Chez Partoo, les fixes des premiers sales pouvaient être de 25k€ brut mais les commissions – de 12% de l’ARR vs. 6,5% aujourd’hui – pouvaient permettre au top-performers de toucher des salaires de plus de 60k€ en premier emploi. De cette manière, le risque de non-performance d’une nouvelle recrue est porté par l’employé et non par la société, et le reward des bonnes performances est plus bénéfique au salarié ! Depuis les salaires ont beaucoup évolué et les fixes ont fortement augmenté.
Sur les 15 premiers employés de Partoo, plus d’une dizaine sont toujours dans la société 6 ans plus tard ! Certains ont des postes à responsabilité d’autres ont évolué en interne d’un poste à un autre. Certains, payés autour du SMIC à leur début, gèrent aujourd’hui des équipes de 30 personnes. De notre expérience chez Partoo, j’ai ainsi tendance à penser que le turn-over d’une start-up autofinancée sera plus faible que dans d’autres sociétés..
4. Prendre son temps pour bien faire
L’autofinancement, une stratégie de primo-entrepreneur
J’ai repris cette idée d’un post récent de Grégoire Gambatto de Germinal sur les levées de fonds : « Je pense même que pour un primo entrepreneur, sauf quelques exceptions, c’est la pire façon d’apprendre le métier. ». L’affirmation est tranchée, mais il y’a un fond de réalité, “sauf quelques exceptions bien entendu”.
Beaucoup se souviennent de la faillite de Save en 2016, qui comptait 450 salariés 3 ans seulement après sa création – suite à plusieurs grosses levées. A l’époque, son CEO Damien Morin déclarait : « on avait un mauvais contrôle de nos achats, la finance était approximative, notre gestion de stock était brinquebalante, les vols en corners ont pris une ampleur considérable, l’Allemagne et l’Espagne ont été un échec, nos relais de croissance n’ont pas vu le jour, et j’en passe… On cramait trop d’argent et on ne savait pas comment ».
Cette situation est assez caractéristique de certaines start-ups ayant beaucoup levé mais dont le management n’a pas forcément l’expérience pour bien absorber toute la croissance. Au contraire, autofinancer votre société vous permettra de passer plus de temps à vous forger une expérience et à faire vos propres erreurs.
A noter que le principal coût de monter son entreprise est un coût d’opportunité – c’est-à-dire le manque à gagner d’un salaire dans une autre société. Il est donc plus facile d’entreprendre en auto-financement quand on est jeune, que le coût d’opportunité est faible et que l’on n’a pas de besoins financiers importants (ex. famille). Ainsi, un étudiant aura plutôt intérêt à commencer une stratégie d’autofinancement pour apprendre sur le tas quand un entrepreneur plus expérimenté souhaitera être plus rapide dans sa manière d’entreprendre : « get big » ou « fail fast ».
Les méga-levées, l’apanage des serial-entrepreneurs ?
Plutôt que cibler les primo-entrepreneurs en difficulté et ayant levé des montants importants, il est plus facile de parler des récentes belles levées d’entrepreneurs aguerris et de rappeler le parcours de leur fondateur. Loïc Soubeyrand, CEO de Swile ou Jean-Charles Samuelian, CEO d’Alan, ont par exemple de belles expériences entrepreneuriales – respectivement Teads racheté par Altice pour 285M€ et Expliseat qui s’attache à alléger le poids des sièges pour diminuer la facture énergétique des avions.
De son coté, Alexandre Pro, CEO de Qonto a bénéficié de plusieurs expériences au cours des dernières années (Smartven, Smokio, Wimdu) tout comme Raphaël Vullierme, CEO de Luko, qui explique sans détour : « Luko est ma troisième entreprise, les deux premières n’ont pas eu le même succès. Mais elles ont incontestablement été un tremplin »
Mettre en place des process structurés
Pour un primo-entrepreneur, l’autofinancement permet de prendre son temps et ainsi mettre en place de bons process.
C’est par exemple le cas des process financiers (facturation, rapprochement bancaire…), des process RH (onboarding, évalution annuelle…), des process métier (sales, CS, tech…) etc. Il existe en réalité des paliers – 10, 50, 100, 200 employés – pour lesquels certains process sont indispensables pour ne pas “dérailler”. Prendre son temps permet donc aux sociétés autofinancées de prévoir et anticiper, en amont de chaque palier, les process indispensables au bon fonctionnement de l’entreprise.
La logique des fonds est souvent une logique financière avec un « rendement » des investissements. Il y’a donc une certaine pression des fonds à accélérer le développement des sociétés dans lesquelles ils investissent.
L’avantage de l’autofinancement est donc d’aller “à son rythme”, de temporiser quand cela est nécessaire, mais aussi de prendre des moments pour soit quand cela est nécessaire.
Éviter la course aux fonctionnalités
Prendre son temps est aussi très important lorsqu’il s’agit de développer son produit. En effet, lorsque vous êtes auto-financés vous avez moins de ressources : vous devez donc choisir les fonctionnalités que vous allez développer. Prioriser une roadmap devient un vrai casse-tête… A ce sujet je vous conseille cet article de Lucas Didier – contributeur Tribes – qui a beaucoup inspiré notre méthodologie actuelle.
Si sur le court terme, prioriser et ne développer que les features clés, est un désavantage, c’est une vraie force sur le long terme. Les deux principaux concurrents de Partoo, allemand et américain, ont respectivement levé 50 et plus de 400M€. Comme vous pouvez vous en douter, il y’a deux ans, la liste de nos fonctionnalités était bien inférieure. Aujourd’hui nous sommes beaucoup plus confiants car nous sommes convaincu d’avoir la meilleure solution du marché – ce qui n’était pas totalement le cas avant !
En effet, trois éléments sont à prendre en compte sur le long terme :
- L’ergonomie et la simplicité d’un SaaS sont des éléments clés de différentiation : cela prend du temps de faire un outil simple mais beaucoup plus de temps de simplifier un outil !
- Le nombre de fonctionnalités n’est pas un avantage : les fonctionnalités inutilisées complexifient un outil, on ne souhaite pas les retirer car elles ont pris du temps – même quand c’est nécessaire. Sur un marché qui évolue tout le temps, comme celui du référencement local, il faut garder un cap, avoir une vision claire et s’y tenir.
- La proposition de valeur est un mix entre produit et service : un retard en termes de fonctionnalités au début, vous amènera à avoir une vraie culture du service, de l’accompagnement et de la satisfaction client. En auto-financement plus qu’ailleurs, l’acquisition est moins importante que la rétention car la stabilité des revenus est une question de vie ou de mort.
Conclusion : les inconvénients
J’avais prévu de faire un seul article pour présenter à la fois les avantages et les inconvénients de l’autofinancement, mais après 15 pages Word et toujours envie d’écrire sur le sujet, je me suis résigné à diviser l’article en deux.
Découvrir l’article : Les inconvénients de l’autofinancement.
.Si ce type de sujets t’intéresse, et que tu as hâte de connaitre les inconvénients de l’autofinancement, inscris-toi à notre newsletter en cliquant sur ce lien.